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Mémoire et histoire

Antoine Rochat
La Nation n° 2075 21 juillet 2017

L’Université de Lausanne publie trois fois par année le magazine Allez savoir, un journal plutôt luxueux, auquel on peut s’abonner gratuitement et que l’on peut également consulter sur Internet1.

Le dernier numéro contient un éditorial et un article intéressants de Jocelyn Rochat, consacrés aux liens entre la mémoire et l’histoire, en marge des journées publiques des Mystères de l’UNIL.

Les polémiques récurrentes liées aux génocides, récents ou lointains, à la colonisation ou à la décolonisation, ou à l’attitude des autorités face à certaines minorités, soulèvent des questions juridiques, politiques et historiques délicates.

En octobre 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a donné tort aux tribunaux suisses (vaudois et fédéral), pour avoir condamné le Turc Perinçec, qui avait affirmé dans des conférences publiques à Lausanne que le génocide arménien de 1915 était «un mensonge international». En l’occurrence, les juges de Strasbourg ont estimé que l’on pouvait débattre d’épisodes controversés et suffisamment éloignés dans le temps. En revanche, nier publiquement l’holocauste juif reste considéré comme un délit, soumis à des sanctions pénales.

En politique suisse, on se souvient des polémiques liées à l’affaire dite des fonds en déshérence, où les autorités fédérales ont plié face aux pressions internationales, en particulier celles venues des Etats-Unis. Plus récemment, un fonds de 300 millions de francs a été constitué en faveur des enfants placés contre leur gré au cours du XXe siècle. Les victimes potentielles sont semble-t-il peu enclines à faire valoir leurs prétentions financières.

Dans le domaine historique, le professeur François Jequier, qui a beaucoup réfléchi aux «mémoires inégales face à l’histoire», révèle en ce sens l’extermination par la faim de six millions de personnes en Ukraine, en 1932-1933, sous le régime bolchévique, épisode oublié voire inconnu de beaucoup de gens.

Enfin, Mme Suzette Sandoz propose que le «devoir de mémoire» ne concerne pas seulement les épisodes sombres de l’histoire, mais aussi des événements positifs. Elle donne comme exemple le Rapport du Grütli en juillet 1940, au cours duquel le général Guisan appela le peuple et l’armée suisses à une résistance inconditionnelle contre tout envahisseur potentiel.

Comme le dit justement le professeur Jequier, «l’histoire n’est pas la mémoire»2; elle en tient compte, mais elle ne s’y réduit pas. On se rappelle à cet égard le tollé provoqué par les membres de la commission Bergier, chargés d’enquêter sur l’attitude de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, et qui n’avaient pas voulu entendre les témoins de l’époque encore vivants.

Le rôle de l’histoire n’est pas de juger le passé selon des critères actuels, mais de le connaître, de le comprendre et de l’expliquer, pour mieux appréhender le présent et préparer l’avenir. La mémoire est un moyen parmi d’autres d’y parvenir.

Notes:

1  http://wp.unil.ch/allezsavoir/

2  Jocelyn Rochat, «La mémoire contre l’histoire», in: Allez savoir n° 66, mai 2017, p. 60.

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