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Pour ne pas tout changer

Paul-Frédéric Vincent
La Nation n° 2075 21 juillet 2017

Le 24 janvier 2017, le Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (ci-après: l’Eglise) a rendu un rapport non décisionnel, à propos de sa dotation en personnel.

Le rapport explique, principalement, ce qui suit: l’Eglise devra passer de deux cent vingt équivalent plein temps, en 2018, à deux cent trois, en 2025, ce afin de respecter l’accord d’équilibrage des postes avec l’Eglise catholique dans le Canton de Vaud.

Le Conseil synodal veut saisir l’occasion de ce changement pour entamer une vaste réflexion sur «la mission et l’activité de l’Eglise». Cela apparaît d’autant plus nécessaire, aux yeux du Conseil, qu’à la diminution du nombre de postes s’ajoute la difficulté à trouver les ministres et autres animateurs pour occuper ces postes. Pour pallier les difficultés, le Conseil veut notamment «élaborer une manière renouvelée de mobiliser les laïcs».

Selon ses propres termes – qui sont bien savants –, le Conseil prend acte du passage d’une «société solide» à une «société liquide». Ce faisant, il plaide pour un passage vers une «économie mixte».

Le Conseil s’en explique avec ces mots: «D’une manière générale, l’Eglise s’est constituée sous les formes de la société traditionnelle (hiérarchies institutionnelles, vie linéaire et synchronisée, rites partagés). Or la société contemporaine est devenue liquide […]. Dans une société solide telle qu’elle a existé jusque dans les années 90, une Eglise pouvait fonctionner par propositions, car les fonctionnements des membres de la société et leurs besoins semblaient connus. Dans le contexte “ liquide ” actuel, la “ proposition ” ne suffit plus. Il s’agit, toujours à nouveau, d’imaginer, d’élaborer et de créer des formats renouvelés en collaboration avec des publics cibles qui en sont à la fois acteurs et bénéficiaires. Pour ce faire, il s’agit, avant tout, de créer des liens; en d’autres termes de passer d’une Eglise de propositions à une Eglise de liens

Arrivé à ce stade du rapport, le lecteur ne peut que déplorer la volonté affichée de tout changer, sous prétexte que le personnel d’Eglise va passer de deux cent vingt à deux cent trois postes. C’est, en tout cas, ce qu’a pensé le soussigné, dans un moment de grand agacement. Fort heureusement, le soussigné n’avait pas entièrement raison, parce que le Conseil propose de passer vers une «économie mixte». (Le soussigné avait une excuse: il ignorait parfaitement comment une Eglise peut «passer vers une économie mixte».)

Le Conseil explique ce projet: «L’observation du développement des Eglises dans le monde occidental montre qu’un simple passage d’un type d’Eglise à un autre n’est pas possible. Les deux logiques d’Eglise cohabitent à maints endroits. Ainsi, l’Eglise d’Angleterre avance le terme d’«économie mixte», soit la complémentarité entre les formes traditionnelles et les nouvelles formes du christianisme.»

Cela nous rassure un petit peu, surtout si on lit «nouvelles expressions du christianisme» pour «nouvelles formes du christianisme» – ce que nous faisons, parce qu’on ne saurait accuser le Conseil de vouloir modeler la foi chrétienne pour attirer les foules…

Une phrase nous a cependant échaudé: «L’Eglise existe d’abord pour ceux qui n’y sont pas.» C’est à peu près aussi convaincant que d’écrire un article d’abord pour ceux qui ne le liront pas! En effet, si nous concédons volontiers que l’évangélisation du Canton est toujours à faire – et à refaire –, nous rappelons que tout témoignage et toute diaconie part de l’Eglise, telle que l’a voulue le Christ. Dit autrement, on ne témoigne sincèrement que de ce que l’on croit, et on ne peut accueillir que chez soi.

Une incohérence nous a aussi choqué: si, selon les termes du Conseil, «l’économie mixte se réalise toujours au niveau local», on ne comprend pas pourquoi il faudrait, toujours selon les termes du Conseil, «donner une plus grande responsabilité aux conseils régionaux dans la répartition des forces pour assumer l’ensemble des tâches de la Région».

En conclusion, nous rappelons, respectueusement, au Conseil synodal sa promesse de ne pas démembrer les paroisses, qui sont les cellules indispensables de l’Eglise réformée vaudoise, et de l’Eglise universelle. (Voir l’éditorial de notre édition du 28 avril 2017 «L’avenir de l’Eglise réformée vaudoise».) Si, par extraordinaire, ou plutôt par impossible, le Conseil venait à oublier cette promesse, la Ligue vaudoise la lui rappellerait encore.

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