Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Occident express 4

David Laufer
La Nation n° 2095 27 avril 2018

Notre voisin de palier est un pope. Son nom est Milan Mladenovi?, ce qui prête à rire. Car c’est aussi le nom d’un chanteur de rock des années huitante. Notre agent immobilier, lui, s’appelle Slobodan Miloševi?. Je n’ai pas besoin d’éclairer les lecteurs sur l’homonymie qui accable ce brave homme. Je connais plusieurs Marko Petrovi? et plusieurs femmes sont les exactes homonymes de mon épouse – sans l’égaler pour autant. Septante-cinq ans de communisme, de guerres, de dictature et de dislocation n’ont pas encouragé beaucoup d’étrangers à contribuer au bain génétique national. Cette homogénéité ethnique constitue une des différences majeures avec la (très récente) diversité de l’Europe occidentale. Il règne ici comme un air de famille partout sur les boulevards. Cela se traduit notamment par le mot «nôtre» que l’on substitue systématiquement au mot «serbe». Novak ?okovi? est «notre» joueur de tennis. Il n’est pas rare que l’on m’interroge: «Es-tu des nôtres?» Ce qui signifie: «As-tu des origines serbes?» Il m’arrive de trouver cet entre-soi un peu asphyxiant. D’un autre côté, résidant dans un quartier privilégié du centre de Belgrade, mon immeuble est (encore!) habité par des retraités, des familles nombreuses, un employé de sécurité, un pope ou un avocat international: ce qu’on perd en mixité ethnique, on le gagne ici en mixité sociale. Cette dernière est monochrome, mais la première est souvent monotone. Ayant vécu à Paris et à Londres, j’ai souvent été frappé de n’y être surtout entouré que de variations de moi-même – des jeunes cadres éduqués, polyglottes et ambitieux. Seuls nos lieux de naissance et notre couleur de peau nous distinguaient. Or je viens d’acheter un appartement dans cet immeuble belgradois. Cet achat a permis à la femme qui y vivait de garantir sa retraite, mais en-dehors de ce quartier. J’annonce et j’apporte cette occidentalisation expresse, attendue autant que redoutée. Je suis le remède autant que le poison.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: