Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Du risque fédéral de coopérer

Olivier Klunge
La Nation n° 2102 3 août 2018

En réponse à l’initiative des milieux de gauche pour «davantage de logements abordables», le Conseil fédéral propose de doter le fonds de roulement en faveur des maîtres d’ouvrage d’utilité publique d’un nouveau montant de 250 millions à prêter à des coopératives d’habitation.

Le Contrôle fédéral des finances a pourtant récemment attiré l’attention sur les dommages importants que les cautionnements en faveur des logements sociaux (déjà 3,3 milliards de francs) font courir aux finances fédérales. Pour mémoire, les cautionnements en faveur de la marine suisse, dont les pertes ont ému le public en début d’année, représentent moins de 600 millions de francs.

Le financement par ledit fonds de roulement est particulièrement risqué. Alors que les coopératives empruntent généralement jusqu’à 90% de la valeur de leur immeuble auprès de banques ou d’autres prêteurs paraétatiques, souvent grâce à des cautionnements cantonaux et/ou communaux, le fonds de roulement finance 5% supplémentaires, ne laissant que 5% de fonds propres à fournir par les coopérateurs (un privé devant généralement en avoir 30% et une caisse de pension entre 70% et 100%).

La structure de financement des coopératives d’habitation les rend aussi particulièrement vulnérables à une hausse des taux. Les dettes représentent 95% du financement de l’immeuble et les loyers sont fixés de telle manière qu’une coopérative ne fait pas de bénéfice. En cas de hausse, même légère, des taux d’intérêts, les charges des coopératives augmenteront fortement alors que les loyers n’augmenteront que dans une moindre mesure.

Ces risques sont encore accentués par la gestion du fonds de roulement qui est confiée par la Confédération aux organisations faîtières des coopératives. Celui qui octroie le prêt généreusement financé par le contribuable est donc le représentant de l’emprunteur.

Outre le danger économique que le crédit proposé par le gouvernement fait courir aux finances fédérales, les principes de son utilisation sont viciés.

D’une part, il se concentre sur les maîtres d’ouvrage d’utilité publique dont la définition concerne en fait exclusivement les coopératives qui ont besoin d’un financement prépondérant de l’Etat ou garanti par l’Etat, excluant tous les maîtres d’ouvrage construisant des logements abordables, sans subvention. Le Canton de Vaud soutient la construction de logements sociaux par des mesures d’aménagement du territoire (bonus constructif, en particulier) qui sont neutres quant à l’organisation du propriétaire. Une aide en faveur des logements sociaux doit être fonction non du type de propriétaire, mais du type d’immeuble ou mieux encore viser directement le locataire dans le besoin. Il n’est pas rare de voir parmi les heureux bénéficiaires de logements coopératifs des bobos aux relations politiques et associatives influentes.

D’autre part, ces subventions fédérales sont versées comme avec un pommeau d’arrosoir, par une cascade d’intermédiaires. Or, le marché de l’immobilier est très divers. Si certaines métropoles connaissaient des loyers élevés et des taux de vacances faibles, d’autres régions voient les loyers baisser et les appartements vides se multiplier. L’aide au logement à apporter à la frange la plus faible de la population est donc fonction de la situation locale. La Confédération n’est pas l’étage institutionnel adapté. Le canton et la commune sont mieux à même d’analyser et de répondre aux besoins concrets. Le Canton de Vaud, avec la LPPPL, a d’ailleurs une politique active en la matière.

Pour des raisons pratiques, économiques et institutionnelles, la Confédération doit donc renoncer à augmenter son subventionnement au logement social et à prendre des risques conséquents en soutenant les coopératives d’habitation, et doit laisser les cantons agir dans la mesure des besoins locaux de leur population.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: