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Occident express 11

David Laufer
La Nation n° 2103 17 août 2018

Dans la banlieue sud de Belgrade, on peut admirer les gigantesques villas des nouveaux multimillionnaires ou même milliardaires. En vieil Européen, on s’étrangle devant ces portiques dorés avec leurs lions en plâtre, ces grilles de fer forgé de cinq mètres de haut qui ceignent des parcs immenses et les garages où s’entassent des bolides italiens et allemands.

Presque toutes ces fortunes se sont constituées durant, ou juste après, l’ère Miloševi?. Elles proviennent le plus souvent de privatisations frauduleuses, de marchés publics truqués, de trafics de cigarettes – pilotés depuis la Suisse – ou de drogue. Cet argent-là a l’odeur du scandale, de la subversion, de l’abus.

En Europe occidentale, l’odeur des grandes fortunes et de leur provenance est souvent masquée, soit par le temps, soit par l’espace. Lorsqu’on déambule autour de Saint-Sulpice à Paris ou de Saint-Pierre à Genève, on s’émerveille devant tant de merveilles architecturales. Or l’édification de ces demeures somptueuses a été rendue possible par exactement les mêmes mécanismes qui, aujourd’hui, couvrent les collines méridionales de Belgrade de marbre et d’or. Mais c’était il y a très longtemps, ou alors cela se passe à l’autre bout du monde.
C’est pour cela que cet argent-là, celui des nouveaux riches, horripile ceux qui vivent dedans depuis des générations. Cela les contraint de se souvenir qu’il y a, suspendu à une lointaine branche de leur arbre généalogique, un gros bras inculte et brutal mais malin comme un singe. Un duc négrier, un banquier sans scrupules ou un propriétaire de mines, tout ce dont notre morale s’accommode à condition de ne pas trop en savoir.

C’est d’ailleurs ce qui attend les enfants de ces nouveaux riches. De Belgrade, ils iront fréquenter les universités les mieux notées. Ils y apprendront à mixer le gin tonic parfait ainsi que la différence entre un Rembrandt et un Frans Hals. Un jour ils seront eux-mêmes les parents de jeunes Berlinois ou Londoniens, raffinés et cosmopolites. Que feront s’étrangler les lions en plâtre et les portails en fer forgé.

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