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Contribuables vaudois, l’État vous vole!

Cédric Cossy
La Nation n° 2108 26 octobre 2018

La chute des premières feuilles correspond traditionnellement à la présentation du budget de l’Etat de Vaud pour l’année à venir. Mais que dire cette année du budget 2019 que nous n’ayons déjà dit l’année dernière1?

Le Département des finances prévoit 9,77 milliards de charges brutes, en hausse de 2,55% par rapport au budget 2018. L’Etat n’ayant historiquement jamais réduit ses dépenses, on s’interroge sur la pertinence de ce chiffre en regard des 10 milliards dépensés en 2017. Il faut cependant déduire de cette somme 620 millions de réserves, amortissements exceptionnels et autres écritures de bouclement pour obtenir des chiffres comparables: le budget 2019 affiche ainsi des dépenses de 4,1% supérieures aux charges brutes réelles de 2017. L’évolution est explicable à défaut d’être forcément acceptable.

C’est à nouveau la prévoyance sociale qui se taille la part du lion, avec 179 millions de hausse (+7,4% faisant suite aux +5,9% prévus pour 2018). Pour la première fois, ce secteur sera plus glouton que l’enseignement et la formation. Les dépenses sociales continuent donc d’échapper à tout contrôle malgré la «conjoncture favorable» citée en commentaire des prévisions de l’impôt sur le bénéfice et le capital. Les autres secteurs, notamment la santé, l’enseignement et la sécurité publique, devraient subir un renchérissement légèrement inférieur à la moyenne générale. Ce sont l’économie (-16 millions) et les finances (-56 millions de réduction de la charge financière) qui compensent la majeure partie de l’inflation sociale.

471 millions sont prévus pour les investissements bruts. A nouveau, l’Etat a les yeux plus gros que le ventre. Pour 2018, les dernières estimations sont de 385 millions – record des dix dernières années –, en-deçà du budget de 429 millions. Cette difficulté à investir est regrettable dans une période où le Canton a toute capacité d’autofinancement. 

Les 9,77 milliards de recettes prévues en 2019 compensent exactement les charges. C’est inférieur aux rentrées effectives de 2016 (9,83 milliards) et 2017 (10,15 milliards). Nous émettons donc de gros doutes sur la crédibilité de cette valeur, que les services de M. Broulis persistent à sous-évaluer d’année en année. Même en tenant compte des 240 millions de perte d’impôts pour les personnes morales liées à la RIE III, nous estimons des rentrées de 10,4 milliards, ce qui laissera à nouveau près de 600 millions à consacrer à des écritures de bouclement qui deviennent de plus en plus discutables au fil des ans2.

«Un budget à l’équilibre, avec plein effet de la RIE III vaudoise»: c’était le titre rassurant affiché lors de la présentation officielle du 20 septembre dernier. Nous trouvons ce budget tout à fait déséquilibré, avec des recettes prévisibles dépassant largement les dépenses. Lors de l’examen du budget, le Grand Conseil devra sérieusement envisager de limiter l’augmentation de l’imposition des personnes physiques (105 millions ou + 3%) par une réduction du taux ou par un allègement (+42 millions au budget) de la facture sociale pour les communes.

*     *     *

Pascal Broulis a rejoint le Gouvernement en 2002. Tentons ici un petit historique de l’apport de celui qui est considéré par beaucoup comme le sauveur des finances vaudoises. De 2003 (on ne peut le tenir pour responsable des comptes 2002) à 2017, les déficits se sont mués en excédents et les neuf dixièmes de la dette de 8,3 milliards ont été remboursés. Faute d’un programme d’investissement suffisant, l’Etat ne profite cependant pas des taux négatifs pratiqués actuellement en Suisse. Durant la même période, les charges du Canton ont progressé de 65%, hausse sans comparaison avec l’accroissement de 25% de la population. Et cette progression est due pour moitié aux dépenses sociales (+128%), poste en voie de devenir le plus important, avec près d’un tiers des dépenses de l’Etat.

D’où viennent les recettes qui ont permis de financer ces hausses? De l’imposition directe des personnes physiques d’abord, gratifiée de 107% d’augmentation en quatorze ans. De la contribution des communes ensuite, avec en première ligne une participation à la facture sociale qui a plus que doublé (elle atteindra 818 millions en 2019). Non content de puiser davantage directement dans la poche gauche du contribuable, l’Etat puise dans la poche droite par communes interposées, alors forcées d’augmenter leur taux d’imposition3. La docilité et la résilience des contribuables ne s’expliquent que par l’insolente santé de l’économie, s’illustrant par un PIB en augmentation de 42% durant les quinze dernières années.

L’assainissement des finances vaudoises fut donc une opportunité conjoncturelle exploitée par le Département des finances. Radical-libéral, M. Broulis a laissé toute liberté à la gauche de développer une politique sociale généreuse, se contentant de la financer par l’augmentation de la charge fiscale de la classe moyenne. Ceci n’en fait pas un sauveur éclairé des finances vaudoises: l’inflation sociale mise en place en période de bonne conjoncture est une bombe à retardement qui n’attend que d’éclater aux premiers frimas économiques.

Notes:

1  Voir La Nation 2084 du 24.11.2017.

2  Après la recapitalisation de la Caisse de pension et des amortissements extraordinaires, la provision de 256 millions passée sur les comptes 2016 pour anticiper les effets de la RIE III en 2018 et 2019 est un cas d’école.

3  A l’exemple de Paudex, qui a besoin de 16 points d’impôt supplémentaires pour compenser la hausse de sa contribution cantonale en 2019. Le Conseil communal n’ayant approuvé que 6,5%, la commune doit s’endetter pour financer le Canton (24 heures du 19 octobre 2018).

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