Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Occident express 16

David Laufer
La Nation n° 2108 26 octobre 2018

Un couple vivant à Lausanne s’est récemment vu refuser la naturalisation suisse. Invoquant des raisons religieuses, aucun des deux n’avait accepté de répondre et de serrer la main aux membres de la commission communale du sexe opposé. Si j’avais eu l’occasion de leur parler, je leur aurais raconté l’histoire de Hans. Hans est un Suisse de Saint-Gall qui depuis bientôt dix ans vit à Belgrade. Il a d’abord monté son entreprise, puis il a acheté un appartement. Lorsqu’on lui demande où aller dîner, Hans connaît les meilleurs restaurants. Il donne l’impression de s’être intégré avec succès dans son pays d’accueil. Et pourtant Hans ne parle pas un mot de serbe. Il ne s’adresse à tout le monde que dans un anglais approximatif. Et toute la journée Hans se lamente de la bêtise des Serbes, de leur paresse, de leur malhonnêteté, de leur impossibilité à être à l’heure. Il répète dès qu’il le peut à quel point on travaille mieux en Suisse, et combien les gens d’ici profiteraient, si au moins ils suivaient ses conseils. Ainsi Hans ignore à peu près tout de la culture et de la société du pays dans lequel il vit depuis des années. Les références cinématographiques, les jurons, les jeux de mots, les blagues politiques, tout cela passe sur Hans comme l’eau sur les plumes d’un canard. En conséquence, ou en est-ce la cause, Hans est un homme amer, toujours en colère, fébrile et impatient. Il refuse obstinément de considérer que, peut-être, il pourrait apprendre quelque chose des gens d’ici. Que même si les gens d’ici font les choses différemment, ils le font à leur manière, parfois mieux et parfois moins bien que lui, et ils ne changeront pas pour lui faire plaisir. Il ne fait aucun doute que Hans ne sera jamais heureux à Belgrade. Un jour, je le lui souhaite, il le comprendra et retournera d’où il est venu. J’aurais pu raconter cette histoire à ce couple de Lausannois qui, comme lui, se montrent réfractaires aux coutumes locales. Ils ont été sanctionnés par le rejet de leur demande de naturalisation. Mais comme Hans, ils se sont eux-mêmes sanctionnés bien plus sévèrement en faisant le choix du rejet, de l’isolement et de l’amertume.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: