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Occident express 18

David Laufer
La Nation n° 2110 23 novembre 2018

On peut se promener des mois dans les rues de Belgrade sans s’en apercevoir. Mais une fois qu’on les a vues, on les voit partout: les miches de pain dans des petits sachets en plastique accrochés aux bennes à ordures. Il m’a fallu du temps pour comprendre.

Les Serbes recyclent peu. On commence à voir apparaître dans les quartiers bien famés quelques bennes à verre ou à papier. Mais la pratique n’est pas populaire. J’ai très vite abandonné en Serbie ma pratique du recyclage, apprise en Suisse à force d’affiches, d’amendes et de contraintes sociales.

Tout de même, j’ai eu pendant des mois la conscience noire chaque fois qu’une bouteille, une boîte de conserve ou un magazine finissait dans la poubelle de la cuisine. Nos bennes à ordures, à Belgrade, sont remplies de tout, elles résument nos vies et ne les fragmentent pas. Leurs couvercles entrouverts, lorsque le soleil de juillet cogne, laissent s’échapper des remugles infernaux, trahissant l’amour des Serbes pour la charcuterie et les produits laitiers non écrémés.

En Suisse, tout doit être trié, empaqueté, séparé, et gare à vous si l’idée vous prend de balancer vos bouteilles vides en dehors de heures autorisées. Une chose pourtant échappe systématiquement à ces tris besogneux – la nourriture. Tout ce que nous ne mangeons pas finit à la poubelle. Mais va-t-on laisser devant sa porte des carottes flétries dans leur emballage? Distribuer les yoghourts périmés, mais comestibles, à des mendiants? Il n’est pas dans nos habitudes de nous livrer à la charité sauvage. Nous avons en Suisse des organisations pour cela, religieuses ou laïques, mais toutes diligentes, à la comptabilité aussi transparente que les intentions de leurs dirigeants. Un virement bancaire automatique et l’affaire est réglée.

En Serbie, lorsqu’on achète son pain et qu’on ne l’a pas mangé le soir venu, on le met dans un petit sachet en plastique. Le lendemain, lorsqu’on va au bureau, on l’accroche à une benne que verront les nécessiteux. Habitude locale et sans âge, preuve presque invisible d’une société encore solidaire malgré les apparences, charité anonyme et néanmoins individuelle. Recyclage, dans sa plus noble acception.

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