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Force et honneur

Jacques Perrin
La Nation n° 2111 7 décembre 2018

Tatiana Jarzabek (alias Tatiana Ventôse) est youtubeuse. Pas vilaine du tout, douée d’un débit verbal que tout Vaudois peut envier, elle est plutôt de gauche, avec un côté «je veux sauver la planète». Elle préfère pourtant l’analyse des faits politiques au blabla idéologique. Elle n’aime ni Mélenchon, ni Macron. Un temps, elle a fait partie de la direction du Parti mélenchonien. Les magouilles partisanes l’ont vite dégoûtée. Importunée dans le métro, elle n’a pas hésité à dire que ses agresseurs étaient arabes. Professeur d’anglais, elle a démissionné après une dépression. Elle connaît l’école de l’intérieur et en parle avec bon sens. Elle survit en gérant sa propre chaîne sur Youtube et en participant au Fil d’Actu. Frédéric Taddéi, journaliste éminent, l’a invitée récemment sur le plateau de RT (Russia today) France où elle a défendu avec vigueur sa conception de l’école face à deux collègues adeptes du pas de vague. D’habitude elle achève ses vidéos par ces mots: Prenez bien soin de vous ! Dans celle qu’elle a récemment consacrée à l’affaire du lycée de Créteil où un élève a braqué une enseignante avec un pistolet factice, elle ajoute: Big up pour tous ceux qui tiennent le coup, pour tous les professeurs, parents et élèves concernés qui gardent les yeux ouverts ! Force et honneur !

Force et honneur: Tatiana a probablement emprunté cette devise au péplum de Ridley Scott, Gladiator, où le général Maximus, officier fidèle à Marc Aurèle mourant, aux prises avec une horde germanique, exhorte les légionnaires par ces mots que nous nous étonnons d’entendre dans la bouche d’une jeune femme d’à peine trente ans. C’est probablement parce que nous avons tous besoin de ces vertus dans la vie quotidienne, qui résument une certaine conception des mœurs et de la décence ordinaire chère à George Orwell. Tatiana pose devant les fausses maximes du roman 1984 : la guerre, c’est la paix ; l’ignorance, c’est la force ; la liberté, c’est l’esclavage.

La force, grâce à laquelle nous faisons face au mal et à la violence, nous permet de défendre l’honneur. Celui-ci consiste à ne pas nous montrer inférieurs à l’image que nous avons de nous-mêmes, de notre famille, de notre pays. C’est pour l’honneur, non par crainte de la punition, que nous respectons certaines règles: ne dénoncer personne, ne pas mentir, ne pas tricher, ne pas s’attaquer à plus faible que soi, ne pas se déchaîner en bande sur  une personne isolée, ne pas frapper celle-ci lorsqu’elle se retrouve à terre; ne pas se plaindre, ne pas se justifier; ne pas jouer à la victime.

Force et honneur: si la société et l’école pouvaient, par l’exemple, transmettre ces vertus à la racaille prétendument irrécupérable, elle ferait bien, au lieu de l’inviter à des stages de résolution de conflits ou de lui infliger d’insignifiantes punitions qui «fassent sens».

Nos deux derniers paragraphes paraissent moralisateurs? Tant pis. L’enseignement du latin disparaît peu à peu dans nos écoles, mais pour survivre, nous aspirons tous – y compris une youtubeuse parisienne du XXIe siècle – à la discipline et aux vertus romaines.

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