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Romainmôtier sous la loupe

Yves Gerhard
La Nation n° 2111 7 décembre 2018

Notre savant ami Alexandre Pahud, qui avait déjà édité le Cartulaire de Romainmôtier en 1998, nous donne maintenant son opus magnum sur le monastère du vallon du Nozon, sous le titre: Le couvent de Romainmôtier du début de l’époque clunisienne à la fin du XIIe siècle, avec le sous-titre Etude archivistique, diplomatique et historique, suivie de l’édition du chartrier (Société d’histoire de la Suisse romande, Lausanne, 2018, MDR 4/XVI). L’ouvrage est la publication définitive de sa thèse, soutenue en 2008 à la Faculté des lettres de Lausanne.

De l’an 928 à la fin du XIIe siècle, exactement 200 documents existent dans les divers fonds d’archives, auxquels s’ajoute une vingtaine de documents perdus, connus par des notices d’inventaires. Période faste pour l’historien que ces trois siècles! Mais c’est sans compter les nombreuses difficultés à surmonter pour lire, traduire et interpréter ces documents, et d’abord pour les réunir et les classer. Dispersées à la Réforme et surtout lors de la Révolution de 1798, les archives du couvent de Romainmôtier doivent d’abord être repérées dans les divers dépôts et bibliothèques, et les recherches systématiques d’Alexandre Pahud ont permis de retrouver un répertoire du XVIIe siècle, jamais étudié, contenant l’inventaire de tous les actes privés et une trentaine de textes supplémentaires jamais utilisés dans les ouvrages sur le couvent!

Ouvrage définitif? On peut se poser la question. Il y a une dizaine d’années, les Archives cantonales vaudoises ont acquis un lot de documents conservés dans la famille Wagnon, de L’Isle, parmi lesquels une collection de parchemins médiévaux dont une charte de Romainmôtier de 1011-1012. Aubaine pour le chercheur! On pourrait imaginer que d’autres documents considérés comme perdus refassent surface. Néanmoins, aujourd’hui, on peut affirmer que l’ouvrage monumental d’Alexandre Pahud contient tous les renseignements connus sur l’histoire de Romainmôtier entre le Xe et le XIIe siècle.

Il est un peu cruel de devoir présenter un ouvrage de plus de 800 pages en un article de journal. Même si presque la moitié du livre contient le texte des documents et des sources, la bibliographie, les index, les cartes, etc., il faut saluer le soin avec lequel l’analyse est menée du point de vue historique. Du rattachement de Romainmôtier à Cluny jusqu’à l’Acte d’association avec les comtes de Bourgogne (1181), tous les épisodes de la politique du couvent avec ses voisins, les seigneurs de Salins, de Joux ou de Grandson, ou avec les pouvoirs proches, évêchés de Lausanne et de Bâle, ou lointains, papauté, Empire germanique, etc., sont présentés avec précision. A aucun moment, la vaste érudition n’est prise en défaut. Une seconde partie du volet historique se rapporte aux aspects économiques et sociaux: seigneurs, chevaliers, propriétés monastiques, foncières et immobilières, servage, sans oublier les prieurs et les moines. Le tableau est exhaustif, porté par une connaissance exacte des termes techniques médiévaux et des usages de l’époque. Le couvent est-il un petit Etat monastique hors sol? Nullement. Les relations avec les seigneurs voisins ou les ecclésiastiques n’ont pas toujours été au beau fixe, et l’auteur peut écrire (p. 425): «Les moines du Nozon, loin de vivre tout à fait hors du monde et hors du temps, entretiennent avec leur environnement immédiat une multitude de relations complexes, faites de rivalités et de coopération.»

Les terres du monastère, acquises à la suite de donations ou de transactions onéreuses, s’étendent à toute une série de villages du Pays de Vaud, du Nord vaudois (Agiez), à La Côte (Bursins), en passant pas le pied du Jura (Ballens et Mollens) et la vallée de la Venoge (Vufflens-la-Ville), mais aussi outre-Jura, entre Pontarlier et Frasne, dans la vallée du Drugeon. A Salins, les moines exploitaient le sel, indispensable à la conservation des aliments durant l’hiver. Bref, derrière un savoir historique savant, toute une vie apparaît, et l’implantation territoriale du couvent est importante. Il est intéressant aussi de suivre les actions des prieurs, et parfois des moines, dans la conduite des affaires pour assurer à l’institution sa place et sa relative autonomie. Quelques personnalités se détachent, mais beaucoup d’individus n’apparaissent que comme témoins dans les actes, puis ne se représentent plus aux yeux de l’histoire.

Touchant directement Romainmôtier et sa région, l’ouvrage d’Alexandre Pahud acquiert une dimension qui s’étend sur l’ensemble de la partie du Canton actuel à l’ouest de Lausanne, qui est documentée par cette somme fondamentale.

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