Le jaune et le noir

Après les parachutes dorés, peu élégants mais très recherchés, la mode française semble désormais s’orienter vers la version low-cost et sans parachute: le gilet jaune.

Les gilets jaunes sont rouges de colère et verts de rage; autant de couleurs qui servent habituellement à réguler le trafic routier, mais qui, dans la situation actuelle, ont plutôt tendance à l’entraver.

A gauche, mais à droite aussi, des esprits révolutionnaires rêvent de voir ce phénomène aboutir au renversement d’un pouvoir honni de tous – en oubliant toutefois qu’une révolution n’est presque toujours qu’un déferlement de fureur aveugle et imbécile, qui produit du chaos et non de l’ordre. En face, les élégantes élites dirigeantes et intellectuelles, celles-là mêmes qui avaient applaudi la révolution orange en Ukraine et les violences destructrices commises sur le Maïdan, jettent aujourd’hui un regard outré et incrédule sur cette révolution jaune qui a le mauvais goût de se dérouler sous leurs propres fenêtres et de contester leur propre pouvoir. Où va-t-on si les révolutionnaires ne respectent même plus les institutions en place?

Curieusement, pendant que cette palette de couleurs vives plonge nos voisins français dans l’angoisse et la précarité, nous autres, Vaudois, manifestons notre heureuse opulence en multipliant les «journées noires». Les commerçants ont ainsi accueilli une marée de consommateurs avides de bonnes affaires lors du vendredi noir, qui a commencé par un jeudi noir avant de se prolonger sur un samedi noir. On a évité de justesse le dimanche noir de Jean-Pascal Delamuraz.

Il faudra s’y faire, Halloween c’est has been, vive le Black Friday! Cette nouvelle mode semble avoir été adoptée partout et par tout le monde… à deux notables exceptions près: La Nation, qui se vend toute l’année à un prix imbattable, et l’Administration cantonale des impôts, qui ne se soucie apparemment pas de récompenser la fidélité de ses clients – trop dociles et dépourvus de gilets jaunes.

[Nous présentons nos excuses aux lecteurs qui s’attendaient à lire, sous ce titre, un article sur les caractéristiques raciales comparées des populations asiatiques et africaines. Une prochaine fois peut-être.]