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Assurance maladie: la caisse unique ne séduit plus

Vincent Hort
La Nation n° 2116 15 février 2019

Dans le domaine de l’assurance-maladie, on a longtemps pensé dans les cantons romands que l’étatisation du système, sous la forme d’une caisse unique, apporterait la solution aux problèmes de la hausse continue des primes. Deux événements récents tendent à montrer que cette perspective ne fait plus recette.

Le 1er février dernier, le comité de l’initiative «Pour une liberté d’organisation des cantons» a reconnu ne pas être parvenu à réunir la moitié des 100’000 signatures nécessaires pour faire aboutir son texte. Sous un intitulé pourtant attractif (et qui pourrait resservir en d’autres occasions…), les initiants demandaient une modification constitutionnelle permettant aux cantons qui le souhaitaient d’introduire une caisse de compensation publique en assurance maladie. Cette «liberté d’organisation» s’adressait en premier lieu aux cantons romands, qui avaient accepté le projet de caisse unique lors de la votation de 2014 mais s’étaient trouvés minorisés à l’échelle fédérale. Vu d’ici, et compte tenu de l’insatisfaction récurrente envers la hausse des primes, un aussi cinglant échec de l’initiative peut surprendre.

Un autre événement récent renforce ce sentiment que la mécanique qui devait mener inéluctablement, scrutin après scrutin, à la caisse unique est enrayée. Le 10 février dernier, les électeurs genevois ont largement refusé de créer une «caisse d’assurance maladie et accident publique à but social» voulue par le Parti du Travail. Celle-ci aurait été un acteur de plus, mais paré des vertus d’une saine gestion étatique. Le souverain du bout du lac s’est sans doute montré sage en rejetant cette proposition, tant il est vraisemblable que cette institution publique aurait été soumise aux jeux politiques de la République, sans pour autant avoir les moyens de proposer aux assurés genevois des primes déconnectées de la réalité des coûts de la santé.

Car il faut bien le reconnaître, la hausse des primes n’est que la résultante de la hausse des coûts de la santé. Et il existe deux manières de contrer l’augmentation des primes. La première consiste à traiter l’effet en augmentant les subsides, c’est-à-dire, en définitive, la part de l’assurance maladie financée par l’impôt ou la dette publique. C’est cette voie qu’a empruntée le canton de Vaud en introduisant, dans le sillage de la RIEIII vaudoise, un plafonnement de la charge des primes maladie à 10% du revenu. Ce système apporte un soulagement aux ménages modestes, mais s’avère aujourd’hui lourd et complexe à mettre en œuvre. En outre, si les coûts de la santé poursuivent leur croissance au rythme actuel, le financement de ce dispositif ne sera pas assuré et menacera à plus ou moins brève échéance l’équilibre des finances cantonales.

La deuxième manière de limiter l’augmentation des primes consiste à traiter la cause, c’est-à-dire à freiner la hausse des coûts de la santé. En Suisse, l’ensemble des coûts de la santé représente environ 82 milliards de francs annuellement, dont environ 32 milliards sont à la charge de l’assurance de base. Pour l’essentiel, il s’agit de salaires (médecins, infirmier/ères, laborantins, physiothérapeutes, techniciens, etc…) et dans une moindre mesure de médicaments ou de l’amortissement des investissements considérables consentis dans l’appareil de santé. La santé représente 12.2% du PIB et l’on voit bien l’énormité des intérêts en jeu.

Plusieurs démarches ont récemment été lancées pour tenter de limiter la hausse des coûts de la santé. Devant le blocage des négociations tarifaires, le Conseil fédéral est par exemple intervenu pour imposer des réductions du tarif des actes médicaux TARMED avec un objectif annuel d’économie de 470 millions de francs. Dans un autre registre, suite à l’initiative de différents cantons, l’Office fédéral de la santé publique a introduit une liste de six groupes d’interventions chirurgicales à effectuer en ambulatoire plutôt qu’en stationnaire, évitant ainsi une hospitalisation et les coûts qui en découlent.

Après trois échecs en votation (en 2003, 2007 et 2014) et une initiative avortée en 2019, l’idée de la caisse unique comme panacée aux maux de l’assurance maladie semble avoir définitivement perdu de son attrait. Si la perspective de cette «fausse bonne idée» s’estompe, l’amélioration du système de santé demeure une nécessité. Au-delà des intérêts particuliers, les efforts doivent maintenant se concentrer sur la réduction des inefficiences, l’augmentation de la qualité, la transparence et l’information aux patients, l’élimination des conflits d’intérêt et des rentes de situation, la suppression des traitements inutiles. Des solutions existent, la hausse inexorable des coûts de la santé n’est pas une fatalité.

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