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Occident Express 27

David Laufer
La Nation n° 2119 29 mars 2019

C’était samedi soir et nous étions quelques milliers à battre le pavé sur la place centrale de Belgrade. Je m’y trouvais en observateur intrigué comme à chaque – rare – occasion où j’ai participé à une manifestation. Cela fait maintenant neuf semaines que Belgrade, tous les samedis soirs, se remplit d’une foule compacte de marcheurs, phénomène moins passager qu’on l’avait cru au départ. Urbains, paisibles, plutôt éduqués et comptant une large proportion de personnes âgées selon mes maigres observations, ces manifestants réclament le départ du Président de la République et de son gouvernement. Mais ils le font en discutant, en passant des blagues à la ronde, avec conviction mais sans aucune gravité. Car ils savent, et répètent à qui veut l’entendre, que ces manifestations ne servent à rien. Que le Président restera, que le gouvernement ne tombera pas, que les choses resteront ce qu’elles sont. Mais ils protestent. Pour le style, pour rappeler qu’il reste des gens en Serbie qui ne sont pas béats d’admiration pour le pouvoir en place. S’ils ont une quelconque utilité pratique, c’est de permettre la lente émergence de ce qui, on l’espère très timidement, constituera un jour une nouvelle force d’opposition crédible. Cette conscience de leur propre inutilité me séduit. J’ai récemment été ulcéré par les manifestations d’étudiants lausannois «contre le changement climatique». Leur conviction de pacotille, la pathétique gravité de leurs propos, tout sentait le préfabriqué. Ils ne servaient évidemment aucune cause quelconque mais s’autocongratulaient de leur merveilleuse conscience politique. La révolution dans un fauteuil prenait tout son sens dans les mots – hélas – sincères de ces quelques jeunes. Les Serbes sont, eux, un peuple imprévisible et chaud. Ils savent mieux que d’autres que la politique, désormais, se passe presque partout sauf dans les urnes. Ils savent également mieux que beaucoup (d’où leur goût immodéré pour les conspirations) que le sort des petites nations est lié à des puissances qui les dépassent. Alors ils défilent, régulièrement, dans une dignité affable, ne faisant par là que démontrer une seule chose, simple mais essentielle: ils constituent un peuple.

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