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On nous écrit

RédactionOn nous écrit
La Nation n° 2129 16 août 2019

En lisant les propos de Monsieur Cédric Cossy au sujet de l’affaire Romand (La Nation n° 2127 du 19 juillet), propos assez justes, me semble-t-il, il y a tout de même un passage qui me titille :

Est-ce vraiment grave de remettre en question « la légitimité du système judiciaire et ses sanctions » ? Ne serait-ce pas même salutaire ?

Jusqu’à présent, avec sa façon de privilégier la peur, la zizanie et le conflit par rapport à l’écoute et à la médiation (en tout cas au civil) et par rapport à la réintégration (au pénal), il n’a pas prouvé son efficacité pour une réelle harmonie sociétale, eu égard, en tout cas en Suisse, à l’essence des droits constitutionnels fondamentaux (art 36 Cst féd, al. 5), dont le principe de la bonne foi (art 5 al. 3 Cst féd) et le respect du plus faible des membres de la collectivité (préambule Cst féd).

Mais il est vrai que nous sommes en France dans le cas de M. Romand.

Les principes rappelés plus haut ne méritent-ils pas, à propos de la Suisse, une certaine attention quant à la légitimité de son système judiciaire, dont notamment les juges achètent leurs fonctions aux partis politiques, ce qui ne favorise pas une justice impartiale et visant à l’harmonie, les partis politiques étant avant tout mus par le goût de dire du mal de leur concurrents, et donc de détruire cette harmonie ?

A vrai dire, le tirage au sort des juges (dans l’attente de celui de tout l’appareil d’Etat, avec certaines conditions de formation, dispensée extérieurement au dit appareil) non manipulé par des officines étatiques, ne pourrait-il pas donner une amorce de solution, avec la solution la plus pérenne, qui est l’exercice par nous tous, y compris les membres de l’appareil d’Etat, tribunaux compris, de l’éveil de notre conscience personnelle ?

Pierre Santschi

Ce qui nous dérange n’est pas le mode de désignation des juges, mais le fait que la collectivité ne reconnaît pas la justesse des condamnations et peines appliquées. Ce hiatus grandissant peut s’expliquer soit par le laxisme de la justice officielle (psychiatrisation avec recherche systématique de circonstances atténuantes, réduction de peines quasi systématique, jours-amendes niant le principe d’égalité devant la loi...), soit par une collectivité retournant lentement à la barbarie car incapable de pardonner ou d’imaginer toute rémission.

M. Santschi saute dans la brèche pour déclarer le seul système judiciaire responsable de cet état de fait. Il nous propose dans la foulée un grand coup de balai dans les processus de désignation des «membres de l’appareil d’Etat», juges en tête.

La fronde à la démocratie des partis que serait un tirage au sort des parlementaires et autres acteurs de l’exécutif ou du judiciaire n’est amusante qu’au premier regard. Comment être sûr de tomber sur des candidats intègres et désintéressés? Comment éviter la prolifération de candidatures peu compétentes que tout groupement d’intérêt proposera afin de pouvoir statistiquement placer l’un des siens? Où trouver l’organisme suprêmement impartial et désintéressé capable d’assurer leur «formation, dispensée extérieurement au dit appareil» et permettant l’«éveil de leur conscience personnelle»?

M. Santschi pense-t-il à un tirage au sort sans candidature, où chaque citoyen pourrait se voir désigné et obligé? Rappelons l’ancienne pratique du tirage au sort des curateurs ou tuteurs: certains malheureux nominés ont vu leur existence pourrie par des pupilles au comportement impossible...

Comme M. Santschi, nous trouvons que la désignation d’un juge devrait se passer de la considération du critère de l’appartenance partisane, avec ses petits arrangements financiers collatéraux. Le système de désignation est donc perfectible. A l’élection par les Exécutifs, nous préfèrerions nettement une approche corporatiste, avec par exemple une cooptation par leurs pairs.

Mais que M Santschi se rassure: le principe du tirage au sort des juges fédéraux sera soumis au peuple et aux Cantons suite à l’aboutissement quasi certain de l’initiative sur la justice1 financée par l’homme d’affaires Adrian Gasser. Pour ce faire, il propose un art. 188a avec la teneur suivante:

1  Les juges au Tribunal fédéral sont désignés par tirage au sort. Celui-ci est organisé de manière à ce que les langues officielles soient équitablement représentées au Tribunal fédéral.

2  L’admission au tirage au sort est régie exclusivement par des critères objectifs d’aptitude professionnelle et personnelle à exercer la fonction de juge au Tribunal fédéral.

3  Une commission spécialisée décide de l’admission au tirage au sort. Les membres de la commission sont nommés par le Conseil fédéral pour un mandat unique de 12 ans. Ils sont indépendants des autorités et des organisations politiques dans l’exercice de leur activité.

On se réjouit d’avance de savoir comment les justes des justes impartiaux, compétents et désintéressés seront choisis pour accéder à cette «commission spécialisée».

Notes:

1  https://www.justiz-initiative.ch/fr/startseite.html Il est piquant de relever que le souhait de «renforcer notre système démocratique» soit l’un des arguments majeurs pour justifier le tirage au sort.

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