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Un peu de déviance rafraîchissante

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2129 16 août 2019

Mlle Greta Thunberg est une jeune Suédoise de seize ans, qui parcourt le monde en annonçant l’apocalypse climatique et en reprochant aux adultes de ne pas faire assez d’efforts pour lutter contre les émissions de CO2.

Nous avons décidé, aujourd’hui, de ne pas vous parler d’elle.

Nous allons plutôt évoquer un personnage que rien ne prédestinait à devenir sulfureux, mais qui l’est pourtant devenu en à peine quelques tweets. Il s’agit de M. Claude Béglé, conseiller national, membre du PDC, ancien président du Conseil d’administration de La Poste, qui a derrière lui une carrière de dirigeant d’entreprise ayant œuvré au sein de divers groupes industriels et dans de nombreux pays.

M. Béglé s’est rendu récemment en Corée du Nord. Alors qu’il était sur place, il a publié sur Twitter quatre brefs messages décrivant sous un jour positif certains des lieux qu’il visitait. Au lieu de parler d’Empire du Mal, de famines et de tortures atroces, comme l’aurait fait n’importe quelle personnalité politique ou médiatique se souciant de sa carrière, M. Béglé a dit autre chose. Autre chose que ce qu’on attendait. Autre chose que le storytelling officiel.

Cet autre chose, au milieu du pesant conformisme intellectuel dans lequel nous vivons, nous est apparu comme un rayon de soleil et de liberté. En l’occurrence, nous nous moquons de savoir si M. Béglé s’est montré trop naïf et si les lieux qu’il a visités n’étaient que des décors de propagande – ce qu’il ne nie pas, d’ailleurs. Lorsque M. Béglé affirme qu’il a obtenu la permission de se promener seul pendant quatre heures1, qu’il a pu entrer dans un café et dans des magasins et rencontrer des gens, même sans les comprendre, nous sommes enclins à le croire. Nous constatons que les régimes idéologiques les plus durs contiennent toujours une part d’humanité qui leur échappe, et que la plupart des êtres humains se révèlent au moins un peu meilleurs que les idéologies qui les animent. Nous avons surtout pu réaliser, en visitant l’Europe de l’Est après la chute du «rideau de fer», que le contraste entre le Mal et le Bien, entre l’Enfer et le Paradis, était plus nuancé que ce que nous avaient présenté les films américains. Aujourd’hui, on nous dépeint la Corée du Nord comme un immense camp de concentration peuplé d’esclaves faméliques et de tortionnaires aux petits yeux cruels. M. Béglé, après s’y être rendu, nous dit que ce n’est pas entièrement cela, ou que ce n’est pas seulement cela, que la réalité est plus nuancée.

Cette relativisation du Mal absolu, tout comme celle du Bien absolu, n’est pas tolérée dans notre société; ou plutôt, elle n’est tolérée que lorsqu’il est question de philosophie ou de religion. Pour cette raison, le discours déviant de M. Béglé a été très mal accueilli par notre classe politico-médiatique. A nous, il nous a fait plaisir – parce que, mécréant que nous sommes, nous pensons en effet que la réalité est nuancée. Il n’est pas question ici de chanter les louanges du collectivisme nord-coréen, ni de partager toutes les idées de M. Béglé, ni même de critiquer le débat sur la légitimité des nombreux groupes parlementaires qui voyagent à l’étranger en engageant plus ou moins l’image de la Suisse. Il s’agit seulement de se pourlécher les babines lorsque n’importe qui écrit n’importe quoi qui dévie de la pensée unique.

1  Voir L’Illustré du 31 juillet 2019.

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