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Le «bon docteur Messerli»

Jean-François Cavin
La Nation n° 2137 6 décembre 2019

Jean-Philippe Chenaux excelle à mettre en lumière la vie et les travaux de grands Vaudois quelque peu oubliés. Après notamment une étude originale sur Fernand Feyler et son magistral ouvrage Robert Moulin et son temps, voici Les cinq vies du « bon docteur Messerli »1, consacré à une personnalité enthousiaste et infatigable à laquelle notre Canton doit beaucoup.

Francis Messerli est décédé en 1975; ceux qui l’ont connu ont aujourd’hui un âge qui avance et l’ont fréquenté, dans les années cinquante-soixante, alors qu’il avait déjà pris sa retraite (1953); ils l’ont donc surtout côtoyé dans ses activités festives, d’ailleurs fort soutenues. Mais Chenaux nous donne d’abord le portrait d’un grand médecin hygiéniste.

Les cinq vies de cet homme qui anima le monde lausannois et ocherin durant un demi-siècle ont été consacrées à la médecine, à l’Olympisme, aux amitiés franco-suisses (rhodaniennes et bourguignonnes), au philhellénisme, au Léman par les Pirates d’Ouchy. Ajoutons que Messerli a magnifiquement servi sa société d’étudiants Stella Valdensis, dont il fut acclamé Ruban d’honneur. Il offrait sa plume féconde à des dizaines de publications pour des centaines de contributions et taquinait la muse avec succès (son oeuvre littéraire fut primée en France et à Monaco); on peut affirmer que ce grand sportif était un athlète complet des disciplines sociales!

Au médecin hygiéniste, on doit notamment des études pionnières sur le goître et l’introduction généralisée de l’iode dans notre sel; l’assainissement de l’habitat et de l’eau à Lausanne, dont il fut le médecin-chef du Service d’hygiène durant trente-six ans; la lutte contre l’endémie de typhus qui ravageait le chef-lieu, couronnée de succès; la promotion des cures d’air et de soleil avec en particulier leur développement à Vidy. Il fut privat-docent à la Faculté de médecine de Lausanne et chargé de cours à Paris. Une référence en son domaine!

La santé était puissamment favorisée, à ses yeux, par la pratique du sport. Lui-même étant excellent gymnaste et féru d’autres disciplines, il n’a eu de cesse d’encourager la bonne habitude de l’exercice physique; et cela allait de pair avec la conviction que l’équilibre général de l’être humain en bénéficiait aussi: mens sana in corpore sano. Rien d’étonnant donc qu’il souscrivît à l’idéal olympique du baron de Coubertin, qu’il rencontra en 1908, dont il devint l’ami, le conseiller et l’adjoint en de multiples occasions, et même l’exécuteur testamentaire. On lui doit, ainsi qu’au baron Godefroy de Blonay (châtelain de Grandson), la fondation du Comité olympique suisse, dont il fut secrétaire général durant vingt-cinq ans, et le développement de ce mouvement dans notre pays.

Olympie est en Grèce, et nous voici tout naturellement arrivés aux Amitiés gréco-suisses, dont l’Association vaudoise fut créée en 1929 sous la présidence de Messerli. Une intense activité d’échanges sportifs, culturels, touristiques, humanitaires (pendant la seconde guerre mondiale) et même politiques se déploie depuis les années trente.

Messerli savait mieux que personne réunir les gens dans un climat de convivialité. Les Amitiés gréco-suisses trouvèrent donc leur pendant dans le développement d’un réseau serré d’amitiés franco-vaudoises, avec la naissance et les belles heures du Mouvement rhodanien (qui donc ressuscitera les Fêtes du Rhône?), dont notre suractif docteur et navigateur fonde la section vaudoise en 1932, qu’il présidera jusqu’en 1961, devenant par ailleurs vice-président et secrétaire général de l’internationale Union Générale des Rhodaniens. La Bourgogne n’étant pas aux antipodes de la vallée du Rhône, le don de sympathie du bon docteur étendit ses bienfaits jusqu’à Dijon, dont il reçut la Médaille d’Or et fut proclamé citoyen d’honneur par le célèbre et truculent maire et chanoine Kir.

N’oubliant pas que le Léman est la perle du bassin rhodanien, Messerli le célébra en créant avec quelques autres, en 1934, la Noble et Vénérable Confrérie des Pirates d’Ouchy, dont il fut d’emblée acclamé «Grand Patron». En buvant des verres sur le pont de La Vaudoise, ayons donc une pensée pour le médecin hygiéniste…

Un tel foisonnement d’activités, une telle créativité, une telle constance dans le travail pratique, cela donne le vertige. Il a bien fallu cinq existences en parallèle pour réaliser tout cela. Et pourtant la vie de Messerli. si débordante soit-elle de tant d’entreprises et d’actions, donne l’impression d’une grande harmonie: la santé par l’hygiène, l’hygiène par le sport, le sport ennobli par l’Olympisme, l’Olympisme remontant aux sources de la culture grecque, la lumière grecque illuminant la joie de vivre et ses moments festifs, et tout cela baignant au chaud soleil de l’amitié, que le bon docteur savait rendre… contagieuse.

Références:

1  Jean-Philippe Chenaux, Les cinq vies du « bon docteur Messerli » – Un demi-siècle au service de la médecine, de l’Olympisme, de l’Hellénisme, du Mouvement rhodanien et des Pirates d’Ouchy, éd. Favre, Lausanne 2019, 191 p.

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