Occident express 45

Après deux semaines à New York, je reviens en Serbie en volant par-dessus l’Europe occidentale. Couverte de nuages, je ne la distingue même pas, je ne vois que défiler sur mon petit écran Dublin, Londres, Paris, Francfort puis Vienne. Dans ces capitales, évoquer la Serbie soulève toujours des réactions. On sera forcément appelé à parler d’histoire, à multiplier les explications oiseuses, à en entendre des plus farfelues, à assurer que tout va bien, ne vous en faites pas pour moi. Un séjour à New York m’a profondément rafraîchi et vivifié. «Belgrade? Génial!» est la réaction la plus courante que j’ai reçue. J’ai vécu à New York, je ne suis pas dupe de cet enthousiasme de façade, cette huile sociale que les Anglo-saxons versent libéralement dans les rouages de leurs relations, proches ou lointaines, cette attention à toujours soigner sa première impression, qui excède beaucoup d’Européens. Trop poli pour être honnête, dirait-on en Suisse. Et pourtant, quel changement bienvenu. A New York, la question de vos origines est liquidée en trois secondes. Une fois qu’on s’en est déchargé, on passe au reste. Ce qui les intéresse, ce n’est pas d’où l’on vient, c’est où l’on va. C’est une approche directe, assez peu sophistiquée, presque villageoise. Il y a de l’intérêt dans ces rapports, dans tous les sens du terme. Au moins on s’épargne les interrogatoires, les sous-entendus et les leçons d’histoire. Lorsqu’on vit en Serbie depuis un certain temps, la question des origines est également vite liquidée. Non pas qu’elle n’intéresse personne, mais il suffit de quelques mots, de quelques geste pour s’en affranchir. Chacun, ici, appartient encore à une forme de clan plus ou moins lâche, plus ou moins structuré, dont l’appartenance se déchiffre très vite. On aboutit par conséquent à un résultat semblable en partant de raisons opposées: à New York, l’habitude de la diversité, à Belgrade, l’habitude de l’homogénéité. Et c’est peut-être cela, une vraie métropole: un endroit où personne ne vous demande d’où vous venez.