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Lu dans la presse

Jean-François PascheRevue de presse
La Nation n° 2146 10 avril 2020

La Suisse se redécouvre

Parmi les très nombreux articles de presse parlant du coronavirus, nous avons relevé l’éditorial du Temps daté du 1er avril1, qui, pour une fois, ne critique pas la Suisse et ses institutions. Premièrement, Michel Guillaume relève que « la Suisse se redécouvre un Conseil fédéral qui gouverne. Plusieurs réformes, comme la fiscalité des entreprises, n’ont ces derniers temps passe? la rampe que lorsque le Parlement a repris la main, et le dossier européen est toujours en chantier. Or, en l’occurrence, la crise actuelle révèle un gouvernement uni qui assume ses responsabilités en prenant soin d’écouter les cantons. Il a trouvé le ton juste en renonçant à toute métaphore guerrière susceptible de dramatiser la situation, préférant en appeler a? la solidarité de toutes et de tous ». D’autre part, « la population suisse se révèle pour le moment très mature dans cette épreuve qui risque fort de durer jusqu’à fin mai. Le Conseil fédéral a choisi sagement de la responsabiliser plutôt que de la soumettre a? un confinement strict a? l’italienne ou a? la française. Dans l’ensemble, elle répond par une autodiscipline exemplaire ». On peut ou non partager ces analyses, mais notons le ton optimiste adopté ici, alors que partout l’injonction «Restez chez vous!» sonne comme un cri d’épouvante.

Le Conseil fédéral et les frontières

Dans la même édition du quotidien, nous pouvions lire une interview de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter2 où elle estime que « le Conseil fédéral a vraiment pris des mesures restrictives. On va déjà très loin. Avec un confinement total, les conséquences sociales, psychologiques, économiques et financières seraient très graves ». Cependant, ses remarques sur la politique internationale nous paraissent les plus intéressantes: « Déjà en situation normale, chaque Etat privilégie ses propres intérêts, il est normal que ce soit encore plus le cas en période de crise. Cela ne se voit peut-être pas, mais il existe aussi une certaine coordination, par exemple pour la réintroduction des contrôles aux frontières a? l’intérieur des Etats de l’espace Schengen. Cette crise connaît aussi des gestes de solidarité au-delà des frontières, comme ceux de certains cantons suisses qui accueillent des patients français. […] C’est vrai que l’Union européenne passe un peu au second plan. Mais nous avons par contre beaucoup de contacts directs entre Etats, surtout avec les États voisins. »

Le virus du fatalisme

Nous nous permettons en guise de commentaire de mettre ces propos en relation avec un entretien de l’écrivain Sylvain Tesson réalisé par Vincent Tremolet de Villiers pour le Figaro3:

« La Terre, ancien vitrail, reçoit un nouveau nom maintenant que les rubans de plomb ont fondu entre les facettes : “la planète”. Elle fusionne, devient une entreprise, lieu d’articulations des flux systémiques. La politique devient un management et le management gère le déplacement pour parler l’infra-langage de l’époque. Un nouveau dogme s’institue : tout doit fluctuer, se mêler sans répit, sans entraves, donc sans frontières. […] Et puis soudain, grain de sable dans le rouage. Ce grain s’appelle virus. Il n’est pas très puissant, mais comme les portes sont ouvertes, il circule, tirant sa force du courant d’air. Le danger de sa propagation est supérieur a? sa nocivité. Dans une brousse oubliée, on n’en parlerait pas. Dans une Europe des quatre vents, c’est le cataclysme sociopolitique. […] La mondialisation aura été le mouvement d’organisation planétaire menant en trois décennies des confins au confinement. Du “no borders” au “restez chez vous”. […]

Autre découverte : l’action politique n’est pas morte. Nous pensions que l’économie régentait seule le parc humain. Les ministères des affaires étrangères étaient devenus des chambres de commerce, pour reprendre le mot de Régis Debray. Soudain, réactivation de la décision d’État. Divine surprise ! Alors que nous pensions la mondialisation “inéluctable” (c’est le mot favori des hommes politiques, blanc-seing de leur démission !), nous nous rendons compte que l’inéluctable n’est pas irréversible et que la nostalgie peut proposer de nouvelles directions ! Soudain, le Président annonce la fermeture des frontières de Schengen et confine sa population. Il est donc possible de décider de décider. Devant la prétendue inéluctabilité des choses, le virus du fatalisme possède son gel hydroalcoolique : la volonté. »

Notes

1  Michel Guillaume, «Quatre miracles au cœur de la tourmente», Le Temps, no 6680, 1er avril 2020.

2  Karin Keller-Sutter, «La santé et la sécurité doivent primer», propos recueillis par Vincent Bourquin, Le Temps, no 6680, 1er avril 2020.

3  Sylvain Tesson, «Que ferons-nous de cette épreuve», Entretien avec Vincent Tremolet de Villiers, Le Figaro, 19 mars 2020.

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