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Trente nuances de vert

Cédric Cossy
La Nation n° 2156 28 août 2020

C’est in corpore que le Conseil d’Etat a présenté le Plan climat vaudois1 le 24 juin dernier. Même le Covid n’avait pas eu droit à une telle solennité: l’affaire doit donc être d’une importance vitale.

Les hypothèses justifiant l’établissement de ce plan vont du général au particulier: partant des analyses du GIEC, le réchauffement climatique a pour unique cause l’émission des gaz à effet de serre. Ceci exige une réduction drastique des émissions avant 2030 (plus de salut après), réduction reprise dans les accords de Paris en 2015. Comme signataire appliquée, la Confédération en a conçu en 2018 des «scénarios climatiques pour la Suisse». Il restait donc au Canton à se mettre au diapason avec un Plan climat.

Les ambitions affichées sont immenses: l’existence de chaque Vaudois cause l’émission de quelques 14 tonnes par an d’équivalent CO2, dont 5,5 émises localement. Le reste est majoritairement produit à l’étranger (8,3 tonne/an) par les activités nécessaires à la production et la fourniture des biens d’importation.

Le Plan climat n’a pas l’ambition de s’attaquer aux émissions étrangères. Il prévoit tout au plus d’éviter de les augmenter en provoquant de nouvelles délocalisations d’activités. Ce qui est visé reste tout de même la neutralité carbone2 des Vaudois en 2050, soit des émissions indigènes réduites de 50% jusqu’en 2030 et de 70% d’ici 2050! L’usage de combustibles et de carburants étant la source de 79% des gaz à effet de serre (GES), on voit d’emblée dans quelle direction les efforts devraient porter.

Le Plan climat se définit en trois axes stratégiques: «Réduire» les émissions de GES, «Adapter» l’environnement aux dangers climatiques et «Documenter» tant l’impact du changement que la mise en œuvre du plan. Le déploiement du plan comprend dix domaines d’action, dont sept domaines thématiques (mobilité – énergie – agriculture – aménagement du territoire – milieux et ressources naturelles – santé – dangers naturels) et trois domaines d’actions transversales (rôle de l’Etat – conditions cadres – accompagnement au changement). Ces domaines regroupent à leur tour trente mesures stratégiques se découpant elles-mêmes en plus de cent mesures opérationnelles. Ajoutons que ces mesures s’inscrivent parfaitement dans les dix-sept Objectifs de développement durable définis par l’ONU dans son agenda 2030 et dans les soixante-quatre mesures de la Stratégie d’adaptation aux changements climatiques émise par le Conseil fédéral. Le Plan climat vaudois répond enfin à une démarche évolutive, déclinée sur plusieurs générations de mesures. Les générations suivantes complèteront et ajusteront les mesures en fonction de l’évolution vers les objectifs.

Avec un arsenal aussi universel, on se dit que le CO2 vaudois ne tardera pas à rejoindre la canopée et les sous-sols dont il n’aurait jamais sortir. La lecture des trente mesures stratégiques laisse toutefois un sérieux goût de réchauffé. Les mesures de réduction des GES concernant la mobilité – plus de transports publics, moins de voitures – ont été mises en œuvre et bénéficient déjà de 650 millions de crédits cadres. Le programme d’assainissement des bâtiments de l’Etat est sur les rails depuis plusieurs années. Le volet «adapter» reprend le rapport Adaptation aux changements climatiques de 2015 et ses mesures sectorielles déjà en cours. La partie énergétique du plan renvoie à la Conception cantonale de l’énergie publiée en 2019. Enfin, de larges pans du Plan d’action biodiversité sont aussi repris.

La seule part quelque peu originale se trouve dans les domaines d’actions transversales. Cette partie plutôt spongieuse (avec des vocables tels que: accompagnement au changement, sensibilisation, responsabilisation des citoyens, processus itératif, démarche participative, mutualisation, etc.) laisse cependant présager de nouvelles ingérences dans les affaires communales: le soutien technique et méthodologique de l’Etat est mis en avant pour accompagner les programmes communaux en faveur du climat, mais on ne dit mot sur le financement tout ou partiel de ceux-ci par le Canton.

De la conférence de presse du 24 juin, 24 heures a retenu cinq mesures opérationnelles du plan: augmentation de la cadence sur dix lignes de bus régionaux, végétalisation des toits et des espaces urbains, adaptation de l’affouragement bovin pour réduire les flatulences, maintien du programme éoliennes et promotion de la filière du bois vaudois dans la construction. Alors que les trois premiers sont anecdotiques en termes d’effet, les deux derniers vont se heurter à de nombreux obstacles politiques ou réglementaires avant leur concrétisation. On est encore loin de satisfaire les ambitions du Plan.

Quoiqu’il n’apporte que peu de nouveautés, le Plan climat vaudois de première génération a l’avantage de recenser l’ensemble des actions cantonales en rapport avec le changement climatique. Nous regrettons pour notre part qu’il reprenne les conclusions du GIEC sans aucun recul et que sa mise en place soit décrite en termes abstraits et imprécis. La récente nomination de M. Yvan Rytz comme délégué cantonal du Plan cantonal, en charge de son pilotage, laisse présager la poursuite du même discours: M. Rytz est issu du Département de l’environnement et de la sécurité et est l’un des auteurs du Plan de première génération.

Notes:

1  Stratégie du Conseil d’Etat vaudois pour la protection du climat – Plan climat vaudois – 1e génération, juin 2020, 75 pages.

2  Cette neutralité ne correspond pas à l’absence d’émission, mais à un équilibre entre les émissions et la captation de CO2, que celui-ci se transforme en biomasse ou qu’il soit séquestré par d’autres techniques.

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