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Pour une politique anticonjoncturelle

Cédric Cossy
La Nation n° 1808 13 avril 2007
L’exercice financier 2006 de l’Etat de Vaud se termine en feu d’artifice! Le Canton a engrangé un bénéfice brut de 545 millions, soit environ 7% du budget initial. Alors que beaucoup fantasment déjà sur l’emploi du magot, il convient de bien comprendre l’origine de ce bénéfice avant de décider dans quelle direction il serait souhaitable que l’Etat modifie son train de vie.

Le prodigieux résultat 2006 est en premier lieu attribuable à l’excellente situation économique vécue dans le Canton ces deux dernières années. Les recettes fiscales bondissent ainsi de 8,7% relativement à 2005. La progression des impôts sur le revenu et la fortune (1) atteint 3,5%, alors que d’autres recettes explosent littéralement, à l’exemple des droits de mutation et taxes sur gains immobiliers (+19%), de l’impôt sur les bénéfices et capitaux des sociétés (+38%) ou des impôts à la source ou frappant les étrangers (+44%). Ces trois rubriques sont le reflet de la bonne conjoncture actuelle, frôlant même la surchauffe. Or, cette manne incertaine représente près du quart des recettes fiscales 2006. Gare donc aux retours de flamme!

Un autre point positif est le respect du budget de fonctionnement avant écritures de bouclement. Les charges augmentent de 0,6% relativement à 2005, avec un effectif des employés de l’Etat en très légère diminution. Signalons toutefois que, en 2006, les employés de l’Etat étaient soumis à un plafonnement de l’indexation et à une contribution de solidarité pour les salaires dépassant 60'000 francs. Ces deux mécanismes ayant été supprimés pour 2007, les coûts de personnel devraient repartir à la hausse, même avec un effectif stabilisé.

L’évolution, ou plus précisément la stabilité des dépenses sociales pose problème. Alors que l’économie pète le feu, que le chômage est au plus bas et que les salaires sont en hausse, l’Etat n’enregistre aucune réduction des charges liées aux subventions ou autres subsides sociaux. A quelle explosion des dépenses l’Etat doit-il s’attendre lorsque la conjoncture amorcera sa descente?

A l’heure du bouclement, 140 millions de ce bénéfice ont été employés à réduire la dette publique. 72 millions ont été affectés à des amortissements extraordinaires concernant les routes nationales et 66 millions mis en réserve pour couvrir le risque sur les débiteurs fiscaux, ramenant le bénéfice net à 267 millions. Remarquons toutefois que ces deux dernières écritures comptables n’affectent pas l’excédent de liquidités de 405 millions encaissé par l’Etat en 2006. Ces écritures ne font que camoufler quelque peu ces insolentes rentrées, probablement pour éviter de réveiller trop d’appétits dépensiers.

La dette publique a été réduite par le virement de la totalité des bénéfices de la BNS et du remboursement de l’emprunt convertible destiné à recapitaliser la BCV (2). Fin 2006, elle se trouve ainsi diminuée de 1,1 milliard pour se retrouver à 5,9 milliards.

* * *

Il est heureux que l’Etat renoue avec les chiffres noirs et retrouve son autonomie en matière d’autofinancement. Il faut également saluer la quasi-stabilisation des frais de fonctionnement de l’Etat. Les finances vaudoises ne permettent cependant encore aucune folie. Vaud reste endetté à hauteur de 9000 francs par habitant, somme dont les intérêts annuels coûtent 260 francs. Il faudrait encore une dizaine d’exercices (3) aussi juteux que l’année 2006 pour espérer rattraper Fribourg et sa dette cantonale nulle. Les excédents de recettes sont d’autre part directement liés à la situation conjoncturelle, alors que les charges ne le sont pas. Une péjoration de la situation économique peut donc ramener l’Etat dans les chiffres rouges en l’espace de deux ans!

En 1992, l’Etat commençait une longue période de déficits structurels. Il lui a fallu plus de douze ans pour revenir aux chiffres noirs. Le retour aux bénéfices est cependant plus une conséquence de l’augmentation des recettes que de la réduction de charges. C’est encore et toujours sur la réduction des dépenses de fonctionnement que l’effort reste à faire pour éviter de retomber dans la spirale des déficits.

Tous ceux qui ont eu l’occasion de vivre une restructuration dans leur environnement professionnel savent qu’elle est beaucoup plus efficace et acceptée lorsque les affaires vont bien. L’Etat a aujourd’hui une chance unique de redéfinir ses missions prioritaires, d’épurer les prestations de complaisance (voir le Catalogue des prestations inutiles paru en feuilleton dans ces colonnes en 2005) et de replacer le personnel excédentaire dans une économie vaudoise en recherche de collaborateurs. Le moment est aussi politiquement optimal, puisqu’une nouvelle équipe gouvernementale s’apprête à définir son plan de législature pour les cinq prochaines années.

Il y a quelques années, en période de morosité économique, la gauche défendait le principe d’une politique anticonjoncturelle: l’Etat ne devait pas hésiter à s’endetter pour financer des projets censés relancer l’économie. Nous reprenons aujourd’hui volontiers à notre compte l’idée d’une politique budgétaire anticyclique: en période de haute conjoncture, il s’agit pour l’Etat d’éponger sa dette, voire de remplir ses caisses, et de se préparer au prochain creux de la vague économique.


NOTES:

1) Le Gouvernement mentionne la hausse de 2,8% des recettes de l’impôt sur les revenus pour affirmer qu’il ne dépasse pas la hausse du PIB (au fait, quelle est la pertinence de cette comparaison?). Mais il omet de mentionner la hausse de près de 9% des recettes de l’impôt sur la fortune. La hausse 2006 des cotations boursières a donc aussi profité à l’Etat.

2) Avec l’annonce du remboursement en 2007 de la dernière tranche des bons de participation de la BCV, l’Etat aura gagné, tous frais déduits, 147 millions en garantissant la recapitalisation de l’institution, alors qu’il ne disposait pas du premier franc valide pour financer cette opération! Le risque lié à une recapitalisation n’est toutefois pas toujours payant, comme l’a démontré l’affaire Swissair.

3) En tenant compte d’une nouvelle réduction de l’ordre du milliard attendue en 2007 grâce aux bénéfices de la BNS et au remboursement (733 millions) de la dernière tranche de la BCV.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
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  • Elus... Et après? – Philibert Muret
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