Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Communes et polices

Pierre-Gabriel Bieri
La Nation n° 1809 27 avril 2007
Une initiative populaire, actuellement au stade de la récolte de signatures, demande l’instauration d’une police unique dans le Canton de Vaud. Cette initiative, intitulée «Opération Dartagnan», a été lancée par l’Association professionnelle des gendarmes vaudois, qui dénonce des «aberrations» et des «dysfonctionnements» dans le système actuel. A l’appui de cette affirmation, divers exemples sont cités, montrant des situations où les policiers municipaux touchent aux limites de leurs compétences et doivent faire appel à leurs collègues gendarmes pour poursuivre certaines enquêtes, traiter certaines plaintes, dresser certains constats d’accident.

La question de savoir s’il faut créer une police unique ou maintenir des corps municipaux divise actuellement les esprits. Admettons que des arguments valables existent de part et d’autre; il n’est pas encore temps de trancher de manière officielle et définitive. On peut toutefois faire quelques remarques.

En premier lieu, le fait que l’opération soit menée au nom de l’Association professionnelle des gendarmes vaudois, et donc que les auteurs de l’initiative agissent en leur qualité de gendarmes, apparaît quelque peu discutable. Il s’agit d’agents de l’Etat exerçant une mission essentielle de puissance publique et l’on peut douter que ce soit leur rôle de s’engager publiquement en faveur d’une modification institutionnelle qui n’est pas officiellement soutenue par le pouvoir politique dont ils dépendent.

En second lieu, les arguments invoqués par les gendarmes vaudois ne suffisent pas, a priori, à emporter l’adhésion. La collaboration de plusieurs services aux compétences différentes est et restera toujours nécessaire dans de nombreuses situations, même au sein de la police cantonale. Prétendre d’une manière générale qu’il n’y a pas de coordination entre les policiers municipaux et cantonaux est certainement excessif; certains policiers sur le terrain évoquent des problèmes ponctuels plus que structurels. Il est ainsi difficile de déterminer précisément dans quelle mesure la création d’une police unique résoudrait les «dysfonctionnements» qui peuvent se présenter aujourd’hui.

Un choix politique

Le point le plus important à relever est que l’«Opération Dartagnan» aborde le débat sous le seul angle de l’organisation policière et de son efficacité technique. On ne peut pas reprocher aux gens du métier de privilégier cette approche, mais on ne doit pas non plus perdre de vue que le choix devant lequel nous nous trouvons est de nature éminemment politique. Les agents cantonaux et les agents municipaux, même lorsqu’ils accomplissent des tâches semblables, sont au service de collectivités publiques différentes: d’une part le Canton, par nature souverain, et d’autre part les communes, dont l’autonomie et les compétences sont certes déléguées par le Canton mais qui n’en ont pas moins une existence propre.

Certaines communes se satisfont des interventions occasionnelles de la police cantonale. D’autres ont choisi de passer un contrat de prestation avec cette dernière pour lui confier des missions spécifiquement communales, renonçant ainsi à maintenir un corps de police municipal. Cette possibilité apparaît comme une solution simple et intelligente, que l’on peut encourager. Mais faut-il l’imposer de force aux communes qui souhaitent continuer à disposer de leur propre police? Telle est la question que pose l’initiative des gendarmes vaudois.

Il s’agit de répondre à cette question dans le contexte particulier de notre Canton. Un contexte marqué par des tensions, voire des affrontements fréquents au cours de la dernière décennie, durant laquelle l’Etat cantonal n’a eu de cesse d’affirmer ses tendances centralisatrices et de mettre durement les communes à contribution pour se refaire une santé financière, en prélevant des parts importantes de leur substance fiscale et en leur imposant diverses nouvelles charges. Il faut avoir cela à l’esprit au moment de prendre une décision que plusieurs communes considéreraient comme une vexation supplémentaire.

En l’occurrence, la question des polices municipales touche davantage les villes que les petites communes. C’est une occasion de rappeler que ces dernières ne sont pas les seules à s’opposer parfois au Canton. On s’en souviendra utilement le 17 juin prochain, au moment de voter l’initiative «La Parole aux Communes»: cette initiative ne vise aucunement à jouer les petites communes contre les grandes, mais bien plutôt à rééquilibrer les forces afin que toutes les communes vaudoises, quelles que soient leur taille et leurs préoccupations, puissent faire entendre leur voix.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Patron, premier employé ou parachutiste? – Editorial, Olivier Delacrétaz
  • Les militaires suisses doivent conserver l'arme à domicile, n'en déplaise aux hypocrites – Nicolas de Araujo
  • Bonne Nouvelle – Pierre-François Vulliemin
  • A propos de la cure de Grandvaux – Daniel Bovet
  • Les nouvelles lois ecclésiastiques – Antoine Rochat
  • La nation est à la mode – Revue de presse, Ernest Jomini
  • La presse est libre, hélas... – Le Coin du Ronchon