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Actualités  |  Mardi 3 septembre 2019

L’orientation professionnelle et le milieu social

Mme Cesla Amarelle, patronne du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, veut rendre l’Ecole vaudoise plus égalitaire. M. Vincent Maendly y a consacré une page dans l’édition de 24 heures du 21 août dernier. La conseillère d’Etat se réfère notamment au Conseil suisse de la science (CSS), qui dénonce «une faiblesse persistante du système de formation suisse: la sélectivité sociale.» Qu’est-ce que le «système de formation suisse»? Le CSS ignore-t-il que l’Ecole est une compétence cantonale? Passons.

L’article nous informe que 60% des élèves obtenant une maturité ont au moins un parent titulaire d’un diplôme universitaire. La proportion descend à 19% pour les familles dont le niveau de formation est «peu élevé». Quand le CSS dénonce la «sélectivité sociale» comme responsable de ces différences, il veut dire que le milieu, familial et social, pèse trop lourd sur l’enfant et l’empêche de choisir, en toute liberté et selon ses capacités, la formation qu’il désire suivre.

On voit bien l’idée. Mais est-il réaliste de ne prendre en compte que les capacités individuelles de l’élève et de considérer sa famille comme un élément négligeable, voire comme une entrave à son développement? Car en fait, dès son plus jeune âge, l’enfant a baigné dans l’ambiance familiale, il a reçu et adopté le langage de ses parents, leurs centres d’intérêt, leurs formules particulières… et leurs préjugés. Ils lui ont transmis, d’abord par l’exemple, puis explicitement, une attitude générale par rapport à la vie, notamment professionnelle. C’est ce qu’on appelle l’éducation.

Je me souviens d’un garçon de treize ans qui proclamait avec une fierté provocatrice: «Moi, je ferai un métier manuel!…». A son âge, il ne faisait évidemment que reprendre un refrain familial. Et alors? Alors, il a fait comme il l’avait annoncé, à la satisfaction générale, en particulier la sienne. Tel autre, dont les parents enseignent, lisent et discutent, s’orientera probablement du côté des études longues. Nous sommes aussi ce qu’on a fait de nous.

Contrairement à ce que laisse entendre la perspective purement individualiste du CSS, le fait d’appartenir fortement à son milieu social, même de formation modeste, renforce l’enfant  et le fait bénéficier de la vitesse acquise par les générations précédentes.

On a créé une maturité professionnelle pour prolonger l’apprentissage. Le détenteur d’un Certificat fédéral de capacité peut aussi, moyennant une formation complémentaire suivie d’un examen, rejoindre une Haute école spécialisée. Mme Amarelle a explicitement affirmé sa volonté de revaloriser la filière professionnelle. A tous ces progrès, le milieu social ajoute un enracinement vital. Il serait bien absurde d’en éloigner l’enfant sous prétexte de mieux le mettre en valeur.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 3 septembre 2019)