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Des ponts ou des murs? Des portes!

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2077 18 août 2017

Opposant les ponts de la générosité aux murs du repli sur soi, les Eglises et toutes sortes d’organisations humanitaires nous enjoignent d’accueillir les migrants qui nous arrivent des quatre coins du monde. Tous? Elles disent que non, mais ne donnent jamais le moindre chiffre ni le moindre critère qui permettraient de déterminer une limite, même approximative. Vu le réservoir illimité de migrants potentiels, ce jusqu’au-boutisme indéterminé suscite dans la population un mélange de culpabilité, de crainte et d’exaspération.

Certains font un pas de plus et plaident explicitement pour un brassage général des peuples du monde, attendant de la suppression des frontières le surgissement d’une paix et d’une fraternité générales et définitives.1

Leur erreur est de confondre les exigences de la morale individuelle et celles du bien commun politique. Plus précisément, leur erreur est de vouloir substituer, à la prudence politique élémentaire, une extension à toute la population des exigences de la morale individuelle poussée à la perfection, et jusqu’au sacrifice de soi-même.

Un gouvernement n’a pas pour tâche de contraindre son peuple à une impossible sainteté. Sa fonction propre est de protéger l’intégrité de son territoire, de garantir son identité culturelle et de faire respecter ses mœurs. Et c’est dans cette perspective du long terme qu’il doit conduire, souverainement, sa politique d’accueil.

Cela ne signifie pas qu’il faille fermer les yeux sur les malheurs du monde. La présence sur notre sol de presque un tiers d’allogènes de toutes origines atteste que nous les ouvrons. Cela signifie simplement que l’accueil du migrant ne doit pas dépasser notre capacité à l’incorporer tout en restant nous-mêmes.

Cela signifie aussi que chaque peuple cultive un mode d’intégration différent, qui dépend de son développement historique, de ses usages sociaux et de ses structures politiques. Une tribu de chasseurs physiquement typés, cultivant des traditions familiales exclusives et n’entretenant que des rapports guerriers avec ses voisins offre une capacité d’accueil à peu près nulle. C’est sa nature, ou sa culture. Personne ne lui en fera grief. Personne ne pensera à lui imposer un quota de migrants.

L’Israël de l’Ancien Testament, postérité d’Abraham et peuple élu, jouissait d’un statut exclusif qui ne le prédisposait pas à assimiler les autres peuples. Son Dieu lui ordonnait2 certes d’accueillir l’étranger, mis sur le même plan que la veuve et l’orphelin, de ne pas le tromper, de ne pas l’opprimer. Mais l’accueilli restait un étranger.

L’Allemagne, ethnie plus que nation territoriale, pratique le droit du sang plutôt que le droit du sol. Cela la rend aussi peu apte à intégrer l’étranger qu’elle le fut à s’intégrer elle-même à ses rares colonies. L’immigration massive imposée par Mme Merkel ne se résorbera pas facilement, c’est le moins qu’on puisse dire.

La France d’autrefois faisait vivre ensemble des peuple fort divers, Bretons, Provençaux, Basques, Auvergnats, Parisiens, avec un minimum de gendarmes et de soldats. Pourtant, ces peuples différaient entre eux bien plus qu’aujourd’hui, vivant selon leurs propres usages et parlant leur propre langue. Ce qui les unissait, c’était le roi, incarnation de la France, symbole d’unité reposant à la fois sur la légitimité dynastique et sur le sacre de Reims. Reconnaître ce principe à la fois lointain et omniprésent suffisait.

Aujourd’hui, on prétend unir les Français autour des «valeurs de la République» et du contrat social, mais ces notions restent en surface. Elles n’engendrent aucune réalité communautaire et ne créent aucune attache avec les nouveaux arrivants. Ce sont les vieux liens d’avant la Révolution française qui continuent de garantir l’unité de la France.

L’Union des républiques socialistes soviétiques cassa méthodiquement les identités nationales pour les remplacer par la seule idéologie marxiste, censée intégrer l’humanité tout entière. Intégration superficielle, comme purent le constater à leurs dépens les masses de communistes loyaux morts dans les goulags. Là encore, l’idéologie ne crée pas de liens, elle dévoie ceux qui existent.

L’étendue des Etats-Unis en fait une terre propice à l’immigration. Les communautés nationales ou religieuses les plus diverses s’y sont installées en conservant leurs usages. Le principe d’unité est ici le respect du drapeau, de l’armée et de la Constitution.

L’Angleterre moderne laisse les ressortissants des Etats du Commonwealth s’établir chez elle et vivre selon leurs mœurs. Les relations que l’Empire entretenait avec ses anciennes colonies se reconstituent en quelque sorte sur l’île, mais sans la distance qui les rendait vivables.

Le Canada va dans le même sens «communautariste». Les cultures des «minorités ethniques» sont encouragées. L’Etat subventionne des écoles musulmanes et hindoues.

En Suisse, la capacité intégratrice des cantons dépend elle aussi de leur culture. Le Canton de Vaud pratique avec un certain bonheur l’assimilation, qui permet à l’étranger de repiquer dans le terreau vaudois les racines arrachées à sa terre d’origine. Toutefois, l’assimilation exige qu’on ne dépasse pas un certain rythme, faute de quoi les nouveaux arrivants ne s’assimilent plus. C’est ce qui se passe depuis quelques années.

Certains esprits égalitaires condamnent d’ailleurs la notion même d’assimilation, comme irrespectueuse des communautés migrantes. Ils plaident pour une sorte d’entre-assimilation multiculturelle, sans se soucier des droits du premier occupant. Car les Vaudois sont sur leur terre depuis des siècles. Ils l’ont cultivée et bâtie. Des politiques, des penseurs, des écrivains, des musiciens, des peintres, des urbanistes et des architectes d’ici et d’ailleurs l’ont marquée. Un destin politique commun a engendré une mémoire collective, des institutions et des mœurs. Il y a un lien vital entre la population vaudoise, sa culture et la terre qui l’a vue naître et croître.

Les arrivants, eux, ont abandonné leur terre, pour toutes sortes de bons et de moins bons motifs. Il est logique qu’ils se plient au mode de vivre de la population qui les accueille. L’adoption par l’étranger des mœurs vaudoises, à tout le moins la reconnaissance de leur primauté inaliénable, reste la condition première de son intégration.

La question n’est pas de choisir entre des ponts et des murs. On a besoin des deux. C’est, pour rester dans la métaphore architecturale, une question de porte, laquelle doit pouvoir être, selon les nécessités, ouverte, entrouverte ou fermée. Celui qui en tient la clef est responsable de conserver un rythme d’arrivage qui respecte l’être collectif des accueillants. A défaut, il livre son propre peuple à la colonisation.

Notes:

1  L’inculture historique et la désinvolture politique que manifeste une telle proposition mériteraient un développement à part.

2  Notamment: «Si un étranger vient séjourner parmi vous, dans votre pays, vous ne l’opprimerez pas. L’étranger qui séjourne parmi vous sera comme l’un de vos compatriotes et tu l’aimeras comme toi-même: car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte.» Lév. 19:33-34.

 

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