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Pour un climat plus vert

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2129 16 août 2019

Dans sa séance du 3 juillet 2019, le Conseil d’Etat a validé une initiative populaire cantonale intitulée «Pour la protection du climat».

Nous serons appelés prochainement à signer ce texte qui veut introduire dans la Constitution cantonale des dispositions nouvelles. Pour apprécier les modifications envisagées, un examen comparatif s’impose entre le texte proposé et le texte existant.

L’article 6, qui traite des buts poursuivis par l’Etat, devrait être complété par l’objectif nouveau suivant: «la protection du climat et de la biodiversité ainsi que la lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements qu’il génère».

Il s’agirait là, à l’évidence, d’une répétition inutile de ce qui existe déjà puisqu’actuellement l’Etat a pour buts, notamment, la préservation des bases physiques de la vie et la conservation durable des ressources naturelles, ainsi que la sauvegarde des intérêts des générations futures. La protection du climat et de la biodiversité est comprise dans les buts actuels. Le texte nouveau n’y ajoute rien.

Dans l’exercice de ses activités, l’Etat devrait, selon les initiants, «tenir compte de l’urgence environnementale». En matière constitutionnelle, le terme d’urgence est difficile à définir et même impossible à mettre en œuvre. Si cela signifie qu’il faut d’abord et avant toute chose se préoccuper de la question de la protection de l’environnement, il faudrait alors utiliser une terminologie différente, plus précise et plus adéquate, qui pourrait être «avant toute chose, l’Etat se préoccupera de l’urgence environnementale», donc avant de protéger la dignité, les droits et libertés des personnes, avant de garantir l’ordre public, avant de faire prévaloir la justice et la paix, avant de soutenir les efforts de prévention des conflits, avant de reconnaître les familles comme éléments de base de la société, et avant de veiller à une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des autorités, pour reprendre les termes du deuxième alinéa de l’article 6 de la Constitution actuelle.

Le texte de l’initiative propose l’introduction d’un article 52b intitulé «Protection du climat» dont la teneur serait la suivante: «Dans l’exercice de leurs tâches, l’Etat et les communes veillent à la protection du climat et luttent contre le réchauffement climatique et les dérèglements qu’il génère. Afin d’accomplir cet objectif, l’Etat et les communes réduisent significativement les impacts climatiques négatifs de chacune de leurs politiques. Les caisses de pension de l’Etat et des communes relevant du droit public concourent également à la réalisation de cet objectif.»

L’article 52 de la Constitution actuelle, prévoit que l’Etat conserve, protège, enrichit et promeut le patrimoine naturel et le patrimoine culturel. L’Etat et les communes doivent sauvegarder l’environnement naturel et surveiller son évolution. Ils luttent contre toute forme de pollution portant atteinte à l’être humain ou à son environnement. Ils protègent la diversité de la faune, de la flore et des milieux naturels. La loi définit les zones et régions protégées. Cette disposition constitutionnelle a été adoptée à une époque où on ne parlait pas encore de dérèglement climatique, ou alors de façon moins «urgente» que maintenant. Il n’en demeure pas moins que l’Etat et les communes sont chargés très clairement de tâches de protection de l’environnement. L’article nouveau n’ajoute rien.

Un texte constitutionnel n’a en principe pas d’effet direct. Il doit être concrétisé par une loi. A cet égard, il serait important que les initiants, lorsqu’ils récolteront les signatures, expliquent comment ils entendent développer des politiques réduisant significativement les impacts climatiques négatifs. A l’heure actuelle déjà, sur la base des dispositions constitutionnelles en vigueur, l’Etat et les communes sont habilités à prendre de nombreuses mesures qui, directement ou indirectement, seraient de nature à aller dans le sens de l’initiative. Un texte constitutionnel nouveau, en tout cas tel que proposé, n’ajoute rien aux compétences existantes.

Aujourd’hui déjà, les caisses de pension de l’Etat et des communes peuvent recevoir de leurs gérants et propriétaires des instructions les invitant à ne plus investir dans des sociétés réputées porter atteinte à l’équilibre climatique. Des voix s’élèvent régulièrement au Grand Conseil pour aller dans ce sens. Mais personne n’a encore osé dire quelles sociétés, nommément désignées, il fallait exclure. D’ailleurs, qui connaît des sociétés cotées en bourse qui ne produisent pas de CO2?

L’article 162 de la Constitution prévoit que pour atteindre leurs buts, l’Etat et les communes peuvent participer à des personnes morales ou en créer. La loi en fixe les modalités de contrôle. Les initiants voudraient ajouter un alinéa 1bis à cette disposition dont la teneur serait la suivante: «L’Etat et les communes veillent à ce que ces personnes morales mènent leurs activités de manière à contribuer au moins au respect des engagements de la Suisse en matière de lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements qu’il engendre.»

Le Grand Conseil peut fixer dans la loi les règles qu’il veut imposer aux personnes morales qu’il contrôle. Il n’a pas besoin d’une base constitutionnelle nouvelle pour imposer le respect de certains engagements en matière climatique.

C’est dans les dispositions transitoires des nouveaux articles 52b et 162 que les initiants définissent un peu mieux leurs objectifs. Ils veulent que l’Etat et les communes atteignent la neutralité carbone d’ici à 2050 ans au plus tard en élaborant des plans d’action avec des objectifs intermédiaires en 2030 et 2040. Pour contribuer à atteindre cette neutralité carbone, les caisses de pension de l’Etat et des communes devraient adopter tous les cinq ans des stratégies en matière d’investissements responsables et respectueux du climat. En plus, l’Etat et les communes devraient veiller à ce que les personnes morales qui dépendent d’eux élaborent des plans d’action de réduction massive des flux financiers et placements qui contreviennent aux objectifs climatiques internationaux de la Suisse (désinvestissement des énergies fossiles), avec des objectifs intermédiaires en 2030 et 2040. L’Etat et les communes devraient veiller à ce que les montants dégagés par ce désinvestissement soient réinvestis dans des activités suivant les principes de l’article 52b nouveau tout en étant également socialement responsables.

Les Verts sont les auteurs de ce texte. Ils affirment que seule une base constitutionnelle permet de lutter contre le dérèglement climatique. Ils regrettent que le «plan climat» cantonal, pourtant annoncé, n’ait pas encore été mis sur pied.

Nous sommes curieux de connaître le «Plan climat» des Verts, jamais annoncé et pourtant tant attendu. Il serait une explication de texte bienvenue pour une initiative qui apparaît fondée plus sur l’urgence électorale que sur l’urgence climatique.

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