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Les producteurs de matériel de guerre, nouvelle cible du GSsA

Pierre-Gabriel Bieri
La Nation n° 2159 9 octobre 2020

Le 29 novembre prochain, le peuple et les cantons voteront sur deux initiatives populaires censées moraliser la vie économique. La première, «Entreprises responsables», fait déjà beaucoup parler d’elle. La seconde, «Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre», commence tout juste à être débattue; il ne faut toutefois pas sous-estimer ses conséquences, qui iraient bien au-delà de ce que son titre laisse penser.

Cette initiative est l’œuvre du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). Elle demande que la Banque nationale suisse, les fondations et les institutions de prévoyance n’aient plus le droit d’investir directement ou indirectement dans les entreprises dont plus de 5% du chiffre d’affaires annuel provient de la production de matériel de guerre. La production d’armes de chasse et de sport ne serait pas concernée. Un engagement de la Confédération serait en outre exigé afin qu’une interdiction similaire puisse s’appliquer aux banques et aux assurances sur le plan suisse et international.

La fabrication d’armes est une conséquence, et non une cause, de la fâcheuse propension qu’ont les êtres humains à se faire la guerre. On n’aura donc pas la naïveté de croire que cette initiative puisse atténuer les conflits qui ravagent le monde. En revanche, elle aurait des effets négatifs très concrets sur la capacité de la Suisse à maintenir son industrie de défense. Cette dernière ne permet certes pas de fabriquer toutes les armes défensives utilisées par l’armée – le débat sur les avions de combat le montre assez – mais elle contribue de manière décisive à réduire notre dépendance vis-à-vis de l’étranger et à renforcer notre capacité générale de défense. Cette première raison, à elle seule, suffit à rendre l’initiative inacceptable.

L’industrie d’armement n’est pas composée que de grandes entreprises entièrement vouées à une production militaire. Elle comprend également de nombreuses PME actives dans plusieurs secteurs, pour lesquelles le matériel de guerre représente une diversification bienvenue, voire indispensable. Le texte de l’initiative pointe du doigt toutes les entreprises qui réalisent plus de 5% de leur chiffre d’affaires dans le domaine militaire; combien sont-elles à en obtenir 6, ou 8, ou 10%, et qui verraient soudain se tarir leurs possibilités de financement? Le nombre d’emplois en jeu est sans doute plus important qu’on ne l’imagine et c’est une deuxième raison pour refuser cette initiative.

Enfin, il faut aussi envisager les effets d’un tel texte sur les activités de placements financiers menées par de nombreuses institutions, à commencer par les caisses de pensions. Il est facile de s’abstenir d’investir directement dans les grands groupes d’armement. Mais comment vérifier que les investissements indirects, dans des portefeuilles d’actions, soient totalement purs de toute composante militaire, même très minoritaire? Au mieux, cette législation serait inapplicable; au pire, elle engendrerait un surcroît de bureaucratie et de contrôles en même temps qu’une restriction absurde de la liberté d’action des institutions. Tout cela pour quoi? Pour le seul plaisir d’une posture morale avantageuse, pernicieuse pour la capacité de défense de la Suisse et impuissante à réduire quelque conflit que ce soit. C’est une troisième bonne raison de voter NON.

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