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Être sûr de son but

Edouard Hediger
La Nation n° 2110 23 novembre 2018

Quatrième règle de sécurité de tout utilisateur bien éduqué d’armes à feu. Chaque tireur, civil ou militaire, doit la faire sienne pour espérer entrer dans un stand de tir et pratiquer son loisir ou ses obligations constitutionnelles. Pourtant, cette règle élémentaire ne semble pas avoir été prise en compte par la Commission européenne lors de l’élaboration de sa nouvelle directive sur les armes. Cette directive est justifiée par la nécessité de lutter contre la vague terroriste qui frappe l’Europe. La Suisse étant contrainte de reprendre le développement des acquis Schengen, la directive doit maintenant être appliquée par la Confédération, sous une forme à peine édulcorée par l’administration fédérale.

L’initiative de l’UE pourrait être plus que louable si elle s’attaquait aux trafics d’armes illégales, aux réseaux mafieux qui les entretiennent, et aux profits du trafic de drogue finançant les cellules terroristes. Jusqu’à preuve du contraire, aucun attentat n’a été perpétré avec une arme légale. Toutefois, l’UE entend obliger les particuliers et collectionneurs à déclarer leurs armes, restreindre les possibilités d’acquérir des armes en héritage, notamment les armes d’ordonnance, obliger les tireurs sportifs à s’inscrire dans des sociétés de tir, etc. En s’attaquant uniquement aux armes légales et légitimement acquises et non au marché noir, l’UE manque totalement le but initial de la directive.

D’un point de vue juridique, la directive ne remplit ni le critère d’adéquation au but recherché, ni ceux de nécessité ou d’acceptabilité. En la promulguant, la Commission européenne enfreint l’un des principes fondamentaux de l’Etat de droit: celui de proportionnalité. D’un point de vue administratif, la directive va surtout lier des policiers à des tâches bureaucratiques de contrôle aux dépens du travail de terrain, alors que la Suisse est justement un pays qui compte déjà peu de policiers par rapport à sa population. Rappelons que la directive a été reprise malgré l’opposition marquée des Cantons lors de la procédure de consultation. Ceux-ci assumeront l’essentiel de la charge administrative.

Finalement, d’un point de vue politique, la directive va surtout criminaliser les tireurs sportifs, les chasseurs, et les collectionneurs qui devront à tout moment prouver leur besoin de détenir une arme. Le paradigme est renversé. Ce qui avant n’était interdit que de façon exceptionnelle sera dorénavant autorisé de façon exceptionnelle. Plus grave, c’est le rapport de confiance entre Etat et citoyens qui est fragilisé. En effet, le principe en vigueur jusqu’ici reposait sur une fraction du monopole de la violence légitime de l’Etat, déléguée à chaque citoyen-soldat pour le responsabiliser et l’inclure dans la vie de la cité. Ce lien persistait dans le cas des armes privées, la chasse ou la tradition du tir sportif, fortement liée à la milice. Avec cette directive, le citoyen-soldat ne serait plus un propriétaire responsable et libre, mais un privilégié auquel un souverain a octroyé un avantage.

La directive de l’UE manque donc largement son but initial. Là où elle devrait responsabiliser les citoyens face à la menace terroriste et les inclure dans les processus sécuritaires, elle suspecte tout le monde. Là où elle devrait faciliter le travail de la police, elle crée une bureaucratie inutile. Face à une réglementation aussi incohérente, la résistance s’imposerait d’office; mais pour ne pas risquer une opposition de la part de l’UE, le Conseil fédéral et le Parlement se sont montrés conciliants à mauvais escient. Il convient donc de signer le référendum encarté dans ce numéro de La Nation et lancé par la Communauté d’intérêt du tir suisse, faitière regroupant les principales sociétés militaires, de tireurs et de chasseurs du pays.

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