Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée
Actualités  |  Mardi 31 mai 2016

François Hollande, père du peuple?

Invitée le 23 mai dernier par France Culture, Mme Najat Vallaud-Belkacem a décrit le rôle du président Hollande d'une façon inattendue: «Je trouve qu'un responsable politique et en particulier un responsable politique au sommet de l'État, qui préside aux destinées d'un pays, d'une certaine façon il a un peu un rôle équivalent à ce que peut avoir un père de famille ou une mère de famille à l'égard de ses enfants.»

Des journalistes attentifs ont relevé que l'imagerie du père de famille bienfaisant relève plus de la dialectique royaliste que des «valeurs républicaines».

Du point de vue de Mme Vallaud-Belkacem, donc, l'important n'est plus de savoir ce que le président fait ou ne fait pas face à la désindustrialisation, au chômage, aux grèves, à l'immigration, au désordre dans les rues et à la mort de l'agriculture. L'important, c'est la confiance toute filiale qu'il infuse dans la population en répétant inlassablement que ça va mieux.

C'est vrai que les institutions de la cinquième république font la part belle au principe monarchique, lequel subsiste, malgré la guillotine, dans l'inconscient collectif du peuple français. Tout citoyen s'incline certes devant la Déclaration des droits de l'homme, mais il est en même temps un sujet qui se languit du monarque, incarnation de la nation, seul apte à rassembler ce peuple indocile et divisé. On n'en débat guère, car cela se passe à un niveau inaccessible à la rationalité idéologique.

Le discours Mme Vallaud-Belkacem renvoie à l'image traditionnelle du pouvoir royal qui plane au-dessus des pouvoirs régionaux, des factions partisanes, des féodalités économiques et des Etats dans l'Etat que sont les syndicats. Le président François se promène dans le Royaume de France. Il visite les familles en deuil et les villages inondés. Tantôt grave, tantôt souriant, il commémore à tout-va. Il parcourt la planète pour régler les affaires du monde et se fait photographier au bras des Grands. Il attend que les syndicats aient vidé leur bourse et ruiné leur réputation en démontrant chaque jour leur mépris de la population. Il laisse son premier ministre s'épuiser dans des combats incertains et prendre les coups à sa place.

Bien sûr, il est cambré dans le mauvais sens, il s'empêtre dans ses affaires d'alcôve, il fait des petits gags de secrétaire de parti et son élocution est plus qu'intermittente. Qu'importe! Il conserve son calme et tire imperturbablement les jours qui le séparent des présidentielles. Les moqueries des imitateurs et caricaturistes le confortent plutôt dans son jeu. Et sa prise de distance d'avec les soucis quotidiens a pour effet collatéral de ravaler les Macron, Montebourg, Juppé et Sarkozy au rang de commis ministériels interchangeables. Il a ses chances.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 31 mai 2016)