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Actualités  |  Mardi 28 juin 2016

L'avenir est encore à faire

Le monde unanime des économistes, des banquiers et des médias, le président de la Commission européenne, plus d'un chef d'Etat, de Viktor Orban à Barak Obama, ont enjoint la Grande-Bretagne de ne pas sortir de l'Union: à leurs yeux à tous, il s'agissait d'éviter non seulement une catastrophe économique pour la principale intéressée, mais aussi la catastrophe idéologique que représenterait pour l'UE la fin de la marche vers une «union sans cesse plus étroite», selon les termes exacts du dogme fondateur, promulgué par le Traité (non, je n'ai pas dit «Concile») de Rome du 21 mars 1957.

Malgré cela, les Anglais ont souverainement décidé de se sortir d'une union économique et administrative décevante, encombrante et sans dessein politique autre que celui, sans fin, de son propre développement.

Toutes choses étant égales par ailleurs, nous avons revécu ces derniers mois la campagne de 1992 sur l'EEE, avec les mêmes pressions, les mêmes prophéties, le même prêchi-prêcha europhile amalgamant effrontément l'économie et la morale. Rappelons-nous: sur le plan économique, le monde officiel prophétisait des taux de chômage horrifiques, l'isolation progressive de la Confédération et notre débâcle générale. Sur le plan moral, il traitait les opposants d'ayatollahs et relayait préventivement l'opprobre international qu'en cas de rejet, les Etats du monde ne manqueraient pas de manifester à l'égard d'un pays aussi replié sur lui-même, égoïste et profiteur.

Conservant la même ligne argumentative, le conseiller fédéral Delamuraz affirmait, le soir du «dimanche noir», que les Suisses avaient choisi «la voie la plus difficile». Ce discours négatif et un peu revanchard inspira d'autant plus de crainte que l'économie suisse n'était pas si florissante à l'époque. Cependant, avec le recul de l'expérience, on peut juger qu'il fut fécond en ce qu'il secoua sérieusement les Suisses.

Plutôt que d'attendre en gémissant un destin inéluctablement catastrophique, les chefs d'entreprises, industriels, artisans, commerçants et autres acteurs économiques affrontèrent la situation nouvelle. Ils modernisèrent leurs méthodes et leurs parcs de machines, se dégraissèrent et se remusclèrent, renforcèrent leurs réseaux d'achat, de vente et d'entretien, accrurent et systématisèrent la prospection dans les pays tiers.

Poussés en avant par leur volonté de vivre, ils refusèrent de se laisser paralyser par les conceptions déterministes qui inspiraient les présages officiels, transformant ainsi ce vote en une reprise en main à la fois économique et politique.

Il dépend de la Grande-Bretagne qu'il en aille de même pour elle, même s'il sera évidemment plus long et complexe pour elle de sortir qu'il ne le fut pour nous de ne pas entrer.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 28 juin 2016)