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Actualités  |  Mardi 17 mars 2020

A menace mondiale, réponse nationale

On ne peut pas croître indéfiniment dans un monde fini. Pour autant, l’homme est-il apte à décroître volontairement et à maîtriser cette décroissance volontaire? C’est le pari que font les «décroissants» du ROC (Réseau Objection de Croissance). Ils estiment qu’on peut conduire rationnellement un processus de décroissance et ralentir, voire inverser la course folle du «toujours plus», du flux tendu et du productivisme illimité. Ils s’efforcent d’exercer une influence dans ce sens, notamment par leur journal bimestriel, intitulé «Moins!».

Quoi qu’il en soit, nous faisons ces jours, et pour quelques semaines, ou quelques mois, l’expérience de la décroissance. Dès aujourd’hui, en effet, il y a moins de production dans la plupart des domaines, moins de transports de marchandises, moins de voyages en avion, moins de tourisme, moins de circulation en ville. Et du même coup, il y a moins de consommation, notamment énergétique, davantage de commerce local, moins d’émissions de gaz à effet de serre, de soufre et de particules fines. Cette décroissance massive n’est pas due à un souci écologique. Elle est simplement la réponse vitale et immédiate de populations multiples, dont chacune, pour se défendre contre un ennemi-surprise, se recentre sur elle-même, adopte des mesures de précautions d’urgence et accepte d’avance d’en payer le prix, qui sera énorme.

Cette situation originale offre aux décroissants une occasion unique d’analyser en temps réel et en grandeur nature les retombées économiques, sociales et politiques d’une décroissance concrète.

Sur le plan politique, en particulier, il est remarquable que la première décision des gouvernements ait été de réhabiliter, puis de fermer, graduellement, les frontières nationales. En d’autres termes, alors que la pandémie est, par définition, un phénomène mondial, ce sont des réponses nationales que les Etats du monde entendent lui apporter.

Cette réponse contredit l’idéologie de l’ouverture que ces mêmes gouvernements ne cessent de promouvoir au nom de la morale et de l’efficacité. Et pourtant, elle n’a suscité à peu près aucun commentaire négatif. Dans la tourmente, il apparaît comme une évidence que les frontières nationales dessinent le seul cadre institutionnel dans lequel l’action politique est à la fois cohérente et compréhensible pour le simple citoyen, ce qui est une condition de son succès. Soulignons que la circulation de l’information épidémiologique entre les Etats n’est en rien gênée par cette réaffirmation de souveraineté, au contraire.

Entre la mondialisation frénétique et le retour au bien-vivre du village ou du quartier, il existe un niveau spécifiquement politique qui est celui de la nation et de son bien commun. C’est à elle que tout un chacun s’en remet aujourd’hui pour abattre le virus.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 17 mars 2020)