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Actualités  |  Mardi 31 août 2021

Comment gérer un million de Vaudois en 2044?

En 2044 le Pays de Vaud comptera 1’044’510 habitants selon la précision toute technocratique de Statistiques Vaud. Avec un taux de fécondité des Vaudoises inférieur à 1,5 (le taux de renouvellement minimal est à 2,1) le différentiel ne pourra provenir que de l’immigration, confédérale ou étrangère.

Certains se félicitent de cette croissance démographique. 2035 correspondra au départ à la retraite de la deuxième vague du baby-boom, née vers 1970. Seule une augmentation de population assurera le versement de leur retraite. L’équilibre entre les générations serait ainsi maintenu. Le 8 juin, devant les caméras de La Télé, M. Pascal Broulis appelait cela de la «mixité».

Mais faut-il vraiment se réjouir de cette croissance? La croissance d’une communauté ne la fait pas seulement grandir, mais véritablement changer de nature. Les Vaudois de 2050 se connaîtront moins les uns les autres. Ces liens personnels caractérisent pourtant l’identité de chacun de nous. Cet affaiblissement identitaire, individuel et collectif, est une perte.

Les Vaudois connaîtront moins leurs représentants politiques. Le territoire cantonal étant limité, des problèmes de coordination inconnus surgiront. La population en appellera à l’État, et l’Administration cantonale gagnera en importance. Des structures intermédiaires entre les Communes et le Canton fleuriront. Les institutions seront moins lisibles. Le sentiment de dépossession politique de la population grandira. En même temps, le mitage du territoire s’aggravera. La campagne vaudoise continuera de changer de visage, affaiblissant notre attachement à la nature.

Un danger à conjurer est celui d’une aggravation de la fracture entre l’arc lémanique et le reste du canton. Les résultats du vote de la loi sur le CO2 ont révélé d’importantes divergences géographiques. Le grossissement de l’Administration cantonale augmentera, au détriment de «l’arrière-pays», la légitimité sociale et idéologique d’une part éduquée de la population, directement ou indirectement dépendante de l’État, et résidant en ville. Une réponse à ce danger pourrait être dans la décentralisation de l’administration et en une attention accrue au maintien de l’autonomie communale.

Assimilation difficile

Un second combat à mener sera celui de l’assimilation des nouveaux venus. Moins les liens personnels entre les habitants sont nombreux, plus elle est difficile. L’unité culturelle du canton est pourtant la condition préalable à la légitimité de nos institutions et à l’efficacité de leur action.

On ne saurait donc béatement se réjouir des «défis» qui nous attendent et des «enjeux» qu’ils posent. Ce verbiage fataliste dissimule mal une perte de maîtrise. Le maintien de l’unité du canton impose d’anticiper les conséquences culturelles, en termes d’identité, du million d’habitants. Cela doit primer les analyses financières de nos autorités.

(Félicien Monnier, 24 heures, 31 août 2021)