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Actualités  |  Mardi 24 mai 2022

Les deux divagations de M. Gerhard Pfister

Après avoir dénoncé la prétendue «indécence» de notre neutralité, M. Gerhard Pfister, président du Centre suisse et conseiller national zougois, a souhaité que la Suisse autorise l’Allemagne à livrer à l’Ukraine de la munition helvétique. La loi sur l’exportation de matériel de guerre interdit en effet à des pays acquéreurs d’armes suisses de les fournir après coup à des pays en guerre. On comprend facilement l’objectif de telles règles: éviter que l’on suspecte la Confédération, à travers son industrie d’armement, de favoriser indirectement des parties en conflit.

La gauche verrait assurément d’un mauvais œil qu’une brèche soit ouverte dans une législation qu’elle a, par tiers-mondisme, contribué à forger. La droite conservatrice y voit une incartade supplémentaire à une neutralité que les sanctions du Conseil fédéral n’ont déjà que trop écorchée. Et elle a raison: autoriser à titre exceptionnel l’Allemagne à livrer cette munition reviendrait à en cautionner le principe même. La Suisse pèserait encore plus dans le conflit russo-ukrainien.

En moralisant le débat – la fameuse «indécence» -, et en insistant sur un prétendu rôle de la Suisse de défense des valeurs européennes, M. Pfister ne cherche pas autre chose. Or la neutralité, qui est une politique fragile, se nourrit de pratiques répétées et constantes. Elle n’est pas inféodée à la morale, et encore mois à une vague appartenance à une prétendue civilisation eurodémocratique.

Le 19 mai, M. Pfister a fait une proposition reposant sur ce même romantisme. Elle fait suite à la volonté d’Emmanuel Macron de créer une «communauté politique européenne». Celle-ci serait un «cadre de coopération» structurant les relations entre l’Union européenne et les pays n’en faisant pas partie. Pour M. Macron, il faut réunir «les nations européennes démocratiques partageant un socle de valeurs commun». L’objectif principal demeurerait économique, et donc de mener une coopération accrue en matière énergétique, d’investissement et de libre circulation.

Des tensions nullement effacées

Pour M. Pfister, la Suisse aurait sa place dans cette nouvelle organisation. Cette vision est un peu courte. Il ne suffira pas d’intégrer «un cadre de coopération structurant» pour que les mille causes de tensions dans nos relations avec l’UE s’effacent. N’avaient-elles pas déjà plombé l’accord-cadre? Le dumping salarial que facilite la libre circulation ne disparaîtra pas. L’UE continuera d’exercer des pressions insensées pour nous faire reprendre ses directives. La politique agricole européenne restera une menace pour nos paysans. Enfin, l’UE continuera à manier la carotte et le bâton en sanctionnant la Suisse pour les choix souverains du peuple et des cantons.

Quoi qu’en dise M. Macron, l’Union européenne est un processus d’intégration visant l’unité. Elle ne tolère jamais les outsiders que temporairement.

(Félicien Monnier, 24 heures, 24 mai 2022)