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Quand les communistes encadrent les démocrates

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1850 21 novembre 2008
L’image qui nous restera de la grève à rallonge des enseignants est celle du popiste Aristide Pedrazza à la tête des manifestants, les yeux révulsés, mimant la fureur et vociférant les sempiternels slogans de la lutte des classes. On se pose la question: comment des enseignants ont-ils pu accepter de servir de masse de manoeuvre à cet énergumène obsédé par ses règlements de compte avec le franquisme? Etendons la question: comment se fait-il que, connaissant les conséquences politiques et sociales invariables de l’application concrète de l’idéologie marxiste, la population vaudoise ne se soit pas plus émue de l’emprise d’un communiste sur l’un des corps de métier les plus importants du Canton?

On peut, dans une certaine mesure, incriminer l’absence de mémoire et d’imagination du citoyen moyen, peutêtre aussi sa paresse et son désir de confort moral.Mais cela ne suffit pas: si des néo-nazis avaient tenté de récupérer l’irritation des enseignants à leur profit, l’Europe entière l’aurait su et se serait indignée dans l’heure. On aurait fait donner la police avant même que ne commence la manifestation.

Pourtant, en termes de conquêtes, massacres, déportations et guerres civiles, les régimes communistes n’ont rien à envier au national-socialisme. En termes de méthodes non plus, même si Staline professait une grande admiration à l’égard de Hitler pour sa façon efficace et définitive de traiter les opposants. Il n’en reste pas moins qu’on se montre infiniment plus indulgent pour les crimes des communistes que pour ceux des nazis.

Cette différence de traitement découle du fait que le national-socialisme est foncièrement hostile au principe d’égalité, notamment en matière de races et d’ethnies, alors que le communisme est, en doctrine, égalitaire et universaliste. Pour le communisme, il n’y a pas de races, les hommes sont tous égaux, les peuples aussi. Ils briseront les chaînes et les frontières, et se résorberont en une seule masse quand ils se seront libérés de leurs aliénations religieuses, nationalistes et individualistes. L’humanité atteindra alors le terme de l’Histoire, ayant pleinement accompli sa nature.

Or, la démocratie électorale, semblable au communisme sur ce point essentiel, est elle aussi fondée sur l’égalité: «Un homme, une voix». Tous les partis sont égalitaires, même les partis «de droite». Certes il y a des nuances. Les libéraux plaident avant tout pour l’égalité politique, en y ajoutant éventuellement l’«égalité des chances», alors que les socialistes visent l’égalité de tous les humains en toutes choses. En particulier, ils affirment l’égalité des droits des nationaux et des étrangers et condamnent les frontières comme génératrices d’inégalités. Les néo-libéraux leur emboîtent le pas sur ce point: la libre concurrence et le marché mondial sont égalitaires, dans leur théorie du moins, sinon dans leurs résultats.

Mais tous sont égalitaires, y compris les membres de l’UDC, même si ceuxci n’appliquent l’égalité qu’aux citoyens helvétiques.

Tous ces démocrates réprouvent les méthodes des communistes, leur violence, leur cynisme et leurs mensonges, leur irrespect de la légalité et des libertés individuelles. Les démocrates «de droite» dénoncent en outre leur haine obsessionnelle des patrons et de la propriété privée, leur rejet de la patrie, leur mépris à l’égard de l’Eglise. Mais sur le fond, ils sont mal à l’aise, car ils sentent confusément qu’ils puisent à la même source idéologique que les communistes.

Cette connivence idéologique les pousse à accepter avec une grande bienveillance la ligne de défense adoptée par les communistes actuels: le léninisme n’était pas du marxisme, ni le stalinisme, qui était plutôt une sorte de fascisme, ni le maoïsme, ni le castrisme, ni la République démocratique allemande, ni les régimes des Polpot, Ceaucescu et autres Hodja. Ce sont les menées d’Etats réactionnaires vendus aux capitalistes qui les ont empêchés de conduire la Révolution à chef. Mais la prochaine vague sera la bonne. L’avenir reste radieux. Et quand ils affirment qu’ils ont rompu avec les méthodes violentes du passé, les bourgeois les croient. Ils ont tellement envie de les croire.

Voilà pourquoi l’on peut voir aujourd’hui des personnes estimables, cultivées, humanistes et tout, se placer d’elles-mêmes sous la coupe d’un révolutionnaire braillard pour bêler, mollement et non sans quelque gêne il est vrai: «Tous ensemble, tous ensemble, tous, tous, tous…»

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Pourquoi le latin? – Jean-Baptiste Bless
  • Miss Suisse 2008 et la modernité métisse – Nicolas de Araujo
  • Cohésion gouvernementale – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Vers la pénurie d'électricité – Jean-François Cavin
  • Victoires et déboires d’un grand politique – Ernest Jomini
  • L’homme dieu, ça fatigue – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • La grève, ultima ratio – Benoît Meister
  • La belle Gitane – Daniel Laufer
  • Radicalement vaudois – Le Coin du Ronchon