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La Violence de Dieu

Lars Klawonn
La Nation n° 2035 8 janvier 2016

Le livre de l’Italien Enzo Bianchi1, fondateur et prieur de la Communauté de Bose, part d’un fait inquiétant bien que connu: suite à la réforme de Vatican II, certains psaumes sont supprimés ou mutilés dans la liturgie des heures de l’Eglise catholique. En fin de volume, l’auteur donne la liste exhaustive des psaumes concernés. En 1968, le pape Paul VI avait ordonné l’expurgation des psaumes dit imprécatoires, ceux qui s’adressent à Dieu en prononçant des malédictions contre l’ennemi. Par exemple, le psaume LVIII, en parlant des impies, dit ceci:

Ô Dieu, brise en leur bouche leurs dents,

Arrache les crocs des lionceaux, Yahvé.

Qu’ils s'écoulent comme les eaux qui s’en vont,

Comme l’herbe qu’on piétine, qu’ils se fanent!

Comme la limace qui s'en va fondant.

Ou l’avorton de la femme qui ne voit pas le soleil! (LVIII, 7-9)

Comme le constate avec force Bianchi, l’épuration des versets contenant des imprécations va à l’encontre de ce que déclare le Christ lui-même: «Il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes, et les Psaumes.» (Lc XXIV, 44). Cela, à l’évidence, inclut les psaumes imprécatoires.

En se livrant à une analyse comparée très fouillée et précise des psaumes et du Nouveau Testament, l’auteur ne se limite pas à dégager leur importance pour le message du Christ; il dénonce également l’hypocrisie des bien-pensants en montrant en quoi le combat du peuple de Moïse et de David est aussi le combat de Jésus contre le mal. C’est  là qu’il se démarque de la soupe molle du Christ lénifiant et doucereux qu’on nous ressert ad nauseam tous les jours de la semaine et tous les dimanches matin. Ces discours infantilisants de «tout est amour» contribuent à la suppression de la notion de l’ennemi dans nos consciences. C’est dans ce constat que réside l’intérêt principal de ce livre.

Les psaumes, et les psaumes imprécatoires en particulier, sont consubstantiels à la souffrance morale de l’âme chrétienne, car c’est au nom de la loi de Dieu que le Christ est venu combattre la loi du péché, c’est-à-dire le monde. Il est venu affronter le mal, combattre l’impie et sauver le juste, comme il est écrit dans les psaumes. Dans les psaumes imprécatoires, l’homme accuse Dieu. Il crie son indignation de voir que souvent les justes sont punis et les méchants récompensés parce que cela est insupportable à la morale de l’homme qui a confiance en Dieu. L’homme juste implore Dieu pour qu’il lui rende justice et qu’il punisse les méchants. Il lui reproche de ne pas le faire comme il faudrait le faire: «Pourquoi Yahvé, restes-tu loin / te caches-tu aux temps de détresse?» (Ps X, 1)

Le livre d’Enzo Bianchi nous rappelle que si Dieu est amour, il est aussi juge et que nous sommes engagés dans un temps eschatologique, que croire en Dieu, c’est aimer avec violence, que le scandale de la Croix est la punition de l’Innocence, et que tout chrétien doit combattre le mal.

Notes:

1 Enzo Bianchi, La Violence de Dieu, Editions Cabédita, Bière, 2015, 94 p.

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