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22, v’là le superflic

Jacques Perrin
La Nation n° 2044 13 mai 2016

Presque chaque jour, la der de 24 heures portraiture un héros de notre temps: politicien en herbe, sportif «de haut niveau», «activiste» d’une ONG, chercheur «bardé de diplômes» ou porte-parole de la «société civile». Cette rubrique a son vocabulaire spécifique flattant le narcissisme des «acteurs sociaux».

Martial «dégage une folle énergie» et «aime la joie», il «assume sa trentaine sans complexe»; Marco est «pétri de charme», son regard «s’allume», il «pétille» de Dieu sait quoi; Jean- Vincent est «dopé aux journées bien remplies», il «se donne les moyens» pour ne pas «stagner»; Louise, «chercheuse exigeante envers elle-même et envers autrui», déteste «les donneurs de leçons», l’ouverture au monde est «inscrite dans son ADN»; Petra vous parle de cours de yoga «devant une tisane à la fleur d’oranger» avant d’aller distribuer devant la gare des «t-shirts éthiques» (elle est «hypersensible à la justice sociale»); quant à Bernie, il «a des amis partout» et «ne croit pas en Dieu mais se demande si, quand il caresse l’écorce des arbres, ce n’est pas une prière qu’il fait».

Parmi les Romands «pétillants» et «débordants d’énergie», la der ne pouvait manquer Olivier Guéniat, superflic neuchâtelois, chauve à barbiche, intellectuel à «lunettes fines», mais «homme de terrain» (probablement «déterminé» et «sans concessions»).

Quand un journaliste a besoin de pensées lumineuses sur la courbe statistique des délits, forcément en baisse, il s’adresse au chef de la police judiciaire neuchâteloise qui, en ce qui le concerne, «pétille d’intelligence, d’humour et de rationalité».

Assis sur son bureau, le pied droit sur une chaise, la main droite soutenant son menton, il pose en penseur de Rodin mâtiné d’Hamlet, avec un crâne près de son ordinateur. Ce n’est pas «à la tisane de fleur d’oranger» qu’il reçoit, mais «au thé vert avec pignons». Il ne boit ni ne fume, «n’a jamais succombé aux substances illicites», et pourtant «la drogue est son dada». Le superflic ne préconise pas la dépénalisation du cannabis; ça vous donnerait un air de gauchiste attardé peu au courant «des découvertes les plus récentes de la criminologie». Guéniat est trop moderne pour «dépénaliser», c’est un «scientifique» qui «détricote les a priori». Son truc à lui, c’est la régulation. Les Uruguayens ont essayé et ça marche. Guéniat s’est rendu en Amérique du Sud avec le promoteur suisse des «shootoirs», Jakob Huber.

Le flic humaniste «a réponse à tout». On se demande cependant pourquoi il se donne tant de mal puisque tout est au mieux: «les défonces et les bitures diminuent chez les jeunes» et «ils goûtent toujours plus au cannabis», ce qui convient, car celui-ci «est moins dangereux que l’alcool».

Comment se fait-il que Guéniat dispose d’une doctrine si solide? L’origine familiale l’explique: sa mère, protestante dans le Jura catholique, «activiste», «réformiste», «féministe», l’a détourné du machisme, et «l’a préservé de toute forme de religion». La religion? Une sorte de «produit» très menaçant sans doute, plus dangereux que la cocaïne.

En outre, Guéniat peut se consacrer tout entier à sa tâche exaltante, n’ayant aucun souci de famille. Il s’est juré «de ne pas se marier et de ne pas avoir d’enfants». Ceux-ci auraient pu devenir chrétiens, un malheur est vite arrivé…

«Divorcé, il est pacsé avec Laura, mais de marmots, point!». En revanche, deux chattes et deux bassettes «encadrent le couple».

Sachez encore que Guéniat «préfère la dinde au poulet».

Mais arrivés à ce point, vous avez déjà rendu les armes.

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