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Une affaire minime de retape électorale

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2236 22 septembre 2023

En juin dernier, MM. Pierre-Yves Maillard et Raphaël Mahaim, candidats de gauche aux élections fédérales, écrivent au chef du Département vaudois de la Formation, le conseiller d’Etat Frédéric Borloz. Ils désirent son soutien pour l’organisation de débats électoraux dans les gymnases et les écoles professionnelles. Cette lettre, expédiée en même temps à la presse, marque le départ de leur campagne électorale.

Le 31 août, le Département de M. Borloz publie une directive interdisant de tels débats dans les dix semaines précédant des élections. Les établissements qui en avaient prévu décommandent les orateurs. Le président du parti socialiste vaudois, M. Romain Pilloud, présente une résolution dans le sens de la demande au Grand Conseil, lequel la refuse. MM. Mahaim et Maillard, soutenus par 57 personnes dont 52 députés de gauche, déposent une requête auprès de la Cour constitutionnelle. L’effet suspensif qu’ils exigeaient n’est pas accordé. A l’heure où nous mettons sous presse, la Cour attend des compléments d’information.

Le problème se pose très différemment selon qu’il s’agit de votations ou d’élections. Les thèmes de la plupart des votations populaires font partie des problèmes dont les jeunes discutent volontiers. Ils ont l’âge et, en principe, la maturité et l’esprit critique pour profiter d’un débat contradictoire. Il n’y a pas besoin de les protéger.

Cela dit, l’Ecole ne saurait se contenter d’offrir une plate-forme de propagande supplémentaire aux comités d’action. Il faut qu’elle ait quelque chose de spécifiquement scolaire à offrir, une approche pédagogique systématique des éléments de langage des orateurs, de leur usage comparé de la raison et de l’émotion, de la pertinence de leurs arguments, de leur respect plus ou moins rigoureux des faits et de la logique. Une amie enseignante nous assure l’avoir organisé à de nombreuses reprises dans le cadre de l’instruction civique, suscitant un intérêt soutenu de la classe.

Les débats sur les thèmes des votations échappent à la mainmise automatique des partis et de leurs candidats. C’est ainsi que, pour les questions économiques, on choisira tout naturellement d’entendre un entrepreneur, un chef de chantier, des représentants des ouvriers et des patrons, un enseignant professionnel; pour des questions culturelles, un créateur, un interprète, un conservateur de musée, un critique d’art ou de littérature; pour des questions institutionnelles, un juriste, un magistrat, un membre de la Ligue vaudoise.

On le sait d’expérience, toutefois, les camps (même le nôtre!) ont tendance à radicaliser leur discours en se rapprochant du vote. A la toute fin, c’est souvent n’importe quoi, vite un petit mensonge, ils n’auront pas le temps de rectifier! En ce sens, l’interdiction, non pas des dix dernières semaines, mais en tout cas des deux ou trois dernières se justifie pleinement.

Les élections, c’est tout autre chose. Durant la période de rut électoral, toute l’attention, l’énergie et les finances du parti, de n’importe quel parti, sont investies sans compter pour conserver et accroître le nombre de ses sièges. Il s’agit, face à l’électeur, de se promouvoir soi-même et de dénoncer les insuffisances criantes des autres, leurs valeurs sans valeur, leurs promesses sans effet. Il n’y a dans tout cela aucun dialogue, aucun échange d’arguments, uniquement le déroulement parallèle, plus ou moins éloquent, de deux harangues bétonnées. Aucun des protagonistes n’envisage de changer d’avis. Quel intérêt pour les jeunes, ou pour quiconque, d’ailleurs?

Dans tous les cas, les débats électoraux ne devraient pas mordre sur le programme. On peut aussi se demander s’il est judicieux de profiter de la structure contraignante de l’Ecole pour imposer de l’agit-prop électorale aux élèves.

M. Borloz a pris ses responsabilités dans cette affaire, somme toute minime, de retape électorale, comme il le fait en recadrant l’école inclusive et ses excès. Il reste que, débats électoraux à l’école ou pas, le poids idéologique de la gauche pèse depuis trop longtemps sur tous les aspects de l’Ecole vaudoise. Ce problème-là reste posé.

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