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L’avenir des paroisses vaudoises

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2252 3 mai 2024

C’est dans un climat rasséréné, ce qui n’exclut pas la critique, que le Synode de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud (ci-après l’Eglise) a entrepris la révision de ses structures. Des détails de forme à l’architecture d’ensemble, tout ou presque est remanié. Mentionnons en particulier la suppression des régions et la réduction d’environ deux tiers du nombre des paroisses ainsi que l’introduction d’un droit de référendum des paroisses, sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Les régions, issues de la restructuration précédente, dite «Eglise à venir», entrée en force en l’an 2000, n’ont jamais eu un statut très clair. S’agit-il d’une représentation montante ou d’un pouvoir descendant? d’une fédération de paroisses ou d’une courroie de transmission des décisions de l’Eglise cantonale? ou des deux à la fois? A l’origine, elles étaient destinées à remplacer les paroisses. Dans cette perspective, les concepteurs d’«Eglise à venir» essayèrent de priver ces dernières de leur personnalité juridique. Mais le Grand Conseil vaudois, mieux inspiré que le Synode, refusa, et la réforme s’arrêta au milieu du gué.

Le statut inabouti des régions court-circuite le système presbytéro-synodal traditionnel, qui repose sur une tension équilibrée entre les paroisses et l’Eglise cantonale. Voilà pourquoi nous ne cessons depuis vingt ans de nous rapprocher à reculons d’un système synodal pur, centralisé et autoritaire. Durant ces deux décennies, on a accumulé les rancœurs dans les paroisses, dessaisies étape par étape de leurs compétences, et suscité au Synode des résistances telles qu’on en était arrivé à un quasi-blocage. De ce point de vue, la suppression des régions offre une clarification institutionnelle bienvenue et restaure l’équilibre presbytéro-synodal.

Parallèlement, on prévoit de diminuer le nombre des paroisses. Il devrait passer de 86 à un nombre entre 25 et 30, d’ici à la fin de la prochaine législature, soit en 2029. Cela se fera principalement par des fusions, par de nombreuses et importantes fusions. Imaginons: pour passer de 86 à 30 paroisses, il faudra 26 fusions de 3 paroisses et 4 fusions de 2. On peut aussi imaginer 20 fusions de 3 paroisses, 10 de 2, plus 6 paroisses non fusionnées, etc.

Tout cela devrait être bouclé en cinq ans. Ce délai nous semble difficile à tenir, d’autant plus que mainte paroisse actuelle n’a pas encore digéré la fusion précédente, imposée à l’époque par «Eglise à venir».

En principe, ces fusions se feront sur une base volontaire, comme pour les fusions des communes vaudoises. Toutefois, vu la quantité de paroisses à fusionner et le délai fixé, on peut craindre qu’on ne se dirige vers un bon nombre de fusions forcées. Le pourra-t-on sans gros dommages, directs ou collatéraux?

Durant les débats, deux tendances se sont fait jour. La première se fonde sur des faits et des chiffres, non contestés pour l’essentiel: beaucoup de pasteurs vont prendre leur retraite prochainement, le nombre des vocations pastorales tend à baisser, de même que la participation aux cultes dominicaux. Les problèmes financiers restent lancinants. De ce point de vue, il est nécessaire et urgent d’opérer. Ce sera sans doute douloureux, mais c’est inéluctable.

La deuxième tendance part plutôt des personnes et des collectivités paroissiales telles qu’elles existent et continuent de fonctionner. Comment les fidèles, qui ne sont pas tous des héros de la foi, supporteront-ils la dilution de leur paroisse dans une entité plus grande, l’affaiblissement du lien communautaire qui s’ensuivra, la vraisemblable désaffectation d’un bon nombre d’églises, dont les clochers et les cloches portent pourtant un témoignage visuel et auditif, les risques d’une dérive congrégationaliste (petits groupes se reformant dans des paroisses trop grandes), l’amertume, enfin, d’avoir été à nouveau contraints de fusionner?

Nous ne nions pas la pertinence des chiffres – même si nous contestons ces extrapolations déterministes où toute possibilité de réaction salutaire est exclue. Mais c’est un fait non moins pertinent, et plus fondamental, que les collectivités ont un rythme qui leur est propre. Les gens pressés sont tentés – pour d’excellentes raisons, c’est entendu – de passer outre. Mais le rythme des choses est un donné constitutif de leur nature. On ne peut aller contre sans léser profondément l’objet même de la préoccupation, en l’occurrence, les paroisses et, avec elles, l’Eglise. Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui.

Dans la même approche qui se veut respectueuse des faits, nous savons qu’une ou deux régions fonctionnent très bien. Il conviendrait qu’on fasse en sorte de ne pas perdre le bénéfice des engagements personnels qui ont rendu vivante et efficace une institution discutable sur le fond.

Un certain nombre de fusions se feront librement. Il faut saluer, comme une réaction vitale, la fusion de certaines paroisses qui n’arrivent durablement plus à se trouver de conseil paroissial. D’autres paroisses collaborent depuis longtemps. Il est possible que ces collaborations deviennent si étroites qu’une fusion ne fera que parapher la réalité. La perspective du délai pourra les y aider.

Ce qui fait problème, c’est l’obligation générale. Un judicieux amendement Gilliand proposait que le nombre des paroisses soit «défini à la fin de la législature 2024-2029 sur la base des regroupements effectifs, volontaires et naturels des paroisses». Il a été refusé.

Le seul adoucissement que le Synode a accepté d’apporter fut de pondérer la fourchette prévue (25 à 30 paroisses en 2029) en ajoutant un «environ». A notre sentiment, cet «environ» est promis à un bel avenir.

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