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† Michel Campiche

Jean-Philippe Chenaux
La Nation n° 2270 10 janvier 2025

C’est sans doute le plus ancien lecteur de La Nation qui nous a quittés en décembre dernier: le professeur Michel Campiche est décédé dans une maison de retraite d’Echichens au bel âge de 102 ans.

Enseignant, historien, essayiste, chroniqueur politique et littéraire vaudois, il était originaire de Sainte-Croix et issu d’un milieu darbyste. Après des études au Collège classique de Lausanne et au Collège de Saint-Maurice, ce passionné de littérature, d’antiquité latine et d’histoire entame des études de lettres à l’Université de Lausanne, ville dans laquelle il assure bénévolement le service de la bibliothèque de la Ligue vaudoise de 1943 à avril 1944. Il complète ses études à l’Université de Fribourg, où il suit notamment le cours d’histoire de la civilisation de Gonzague de Reynold: «Un érudit, mais un personnage agaçant, centré sur lui-même et grand amateur de digressions.»

Dans L’Escale du Rhône, ouvrage édité par son fils Bernard, qui lui vaudra le Prix Edmond-Troillet en 1991, Michel Campiche évoquera les prémices de sa conversion au catholicisme et retracera son passage au Collège de Saint-Maurice «avec ferveur, puissance, passion» (Jean-Pierre Theytaz). Ses pages constituent, avec celles de Fernand Gay, Georges Borgeaud (Le Préau), Jean Romain (Les chevaux de la pluie) et Slobodan Despot (Le Valais mystique et un article consacré au chanoine Georges Athanasiadès in: L’Antipresse), l’un des plus beaux hommages rendus à cette institution créée en 1806. Avec d’autres anciens élèves, il confiera aux Annales valaisannes son témoignage de «Gratitude» sur «Le Collège de l’Abbaye de Saint-Maurice: 200 ans d’enseignement» (2006).

Sa carrière d’enseignant débute à Lausanne dans le privé (Ecole Bénédict et Collège de Champittet), se poursuit au Collège de Saint-Maurice et à l’Institut pratique de français de l’Université de Fribourg, puis au Collège de Sainte-Croix, et enfin à Lausanne, au Collège du Belvédère (1968-1974) et au Gymnase de la Cité (1974-1987).

Conférencier très sollicité, il parle notamment des «chrétiens face à l’athéisme contemporain» au Cercle catholique de Lausanne (1956), de «l’amitié spirituelle liant Pascal et Vinet» au Cercle libéral de Lausanne (1959), de «l’URSS et l’Europe depuis 1918» à Valdesia, à la salle paroissiale du Sacré-Cœur et à celle d’Yverdon, ainsi qu’au Cercle libéral lausannois (1961-1962). Lors du colloque sur Alexandre Vinet organisé à l’Université de Lausanne en octobre 1990, il parle de «Vinet face au catholicisme».

René Berthod a dit de Michel Campiche: «L’homme est sensible et secret. Le professeur est cultivé, courageux, brillant, grand coureur de forêts, il est à l’aise hors des sentiers battus. L’écrivain est un styliste de première valeur.»

Le styliste s’illustre dans les lettres romandes avec L’Enfant triste (L’Aire, 1979, 2e éd. 1987), publié en allemand chez Ex Libris en 1981), témoignage poignant sur son enfance meurtrie, et Du haut de la solitude, un dense recueil de maximes et réflexions publiées chez le même éditeur (1981), mais aussi comme historien avec La Réforme en Pays de Vaud, 1528-1619 (L’Aire, 1986). On lui doit encore «Un quartier», dans Dix écrivains en quête d’une ville (L’Aire, 1981), Dimanche des mères, des nouvelles de caractère autobiographique qui font suite à L’Enfant triste et à L’Escale du Rhône susmentionnés. En 2009, Bernard Campiche a réédité ces deux derniers titres en y adjoignant un inédit, Journal de mémoire.

Prix de l’Association des écrivains de langue française (1994), après s’être vu décerner le Prix Edmond-Troillet 1991, il a refusé la médaille de la Renaissance française offerte à la demande de Maurice Métral, expliquant que «le régime actuel en France continue de persécuter la mémoire des personnes qu’ [il] admire».

Au soir de sa vie, une perte partielle de la vue empêche Michel Campiche d’écrire. «Le silence est le dernier refuge de la liberté», avait-il écrit (Du haut de la solitude). Avant de fêter son centième anniversaire à Echichens, il partage sa vie entre Saint-Sulpice et Sugnens, qu’il considère alors comme son vrai domicile et qu’il évoque dans Autour de mon clocher (Cahiers de la Renaissance vaudoise, 2010), «mince volume de notations subtiles, fruits d’une sagesse décantée par l’expérience et l’érudition» (Jean-Blaise Rochat). Il est très lié à Mgr Maurice Bitz, ancien élève et chanoine de Saint-Maurice, qui a refondé en 1968 la Congrégation des chanoines réguliers de Saint-Victor à Champagne-sur-Rhône, en Ardèche, pour en devenir le premier Père-Abbé. Avec son épouse Viviane, il obtient le statut de «familier» de Saint-Victor de Champagne et c’est le Père-Abbé Hugues Paulze d’Ivoy, successeur de Mgr Bitz, qui l’a accompagné en décembre dernier à sa dernière Demeure.

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