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Grandes heures de l’histoire vaudoise - 3e soirée

Yves Gerhard
La Nation n° 2045 27 mai 2016

La troisième soirée consacrée à l’histoire vaudoise vue au travers de quelques-uns de ses grands protagonistes a eu lieu le 12 mai, toujours dans la salle du Conseil communal de l’Hôtel-de- Ville de Lausanne. C’est justement la salle où Henri Monod, dont il sera question plus loin, présidera, dès le 17 janvier 1798, l’Assemblée provisoire des Représentants du Pays de Vaud, qui obtiendra le départ des baillis bernois, le 28 janvier.

Mais pour le moment, la parole est donnée à Léonard Burnand, qui parle de la seule femme parmi ce choix de personnalités vaudoises, Mme Germaine de Staël, digne fille de sa mère, Suzanne Necker, qui tenait à Paris un salon fréquenté par les grands auteurs de son temps. Si les conversations de ces salons parisiens encensaient les bons mots, les plaisanteries piquantes et le persiflage, Mme de Staël, au château de Coppet, favorisera les discussions constructives autour des grands sujets que sont les régimes politiques, l’apport des diverses cultures, la philosophie, la littérature, l’économie, etc. Elle s'entourait des esprits les plus distingués du moment, Schlegel (qui fut le précepteur de son fils), Bonstetten, Sismondi et bien sûr le Lausannois Benjamin Constant. Ainsi le «Groupe de Coppet» fut-il le rempart contre le despotisme, fustigeant autant la réaction monarchique que le jacobinisme.

Léonard Burnand insista sur les rapports entre Mme de Staël et Napoléon Bonaparte, qu’elle rencontra en décembre 1797: sera-t-il le sauveur providentiel, se demande-t-elle? Elle suit avec passion ses campagnes en Egypte et soutient le Consulat, en 1799. Mais lorsque Napoléon devient autoritaire, limite la liberté de la presse et s’attaque aux gens de lettres, la déception de Mme de Staël sera d’autant plus amère. Son père, le banquier Jacques Necker, doit quitter Paris: la famille se réfugiera à Coppet. Mme de Staël y fera rayonner son esprit, mais voyagera aussi pour lutter contre le despote. Napoléon fera détruire De l’Allemagne, ouvrage dans lequel elle défendait le régime libéral et les échanges entre cultures. La chute de l’Empire et la Restauration lui permettront de retrouver un peu d’espoir. Par ses écrits et sa forte personnalité, elle aura défendu avec ses amis la liberté, la diversité culturelle, le cosmopolitisme, faisant du château de Coppet «les états généraux de l’opinion européenne», selon le mot de Stendhal.

Petite-fille d’un pasteur de Crassier, fille d’une brillante animatrice des salons lausannois, châtelaine de Coppet, Mme de Staël est plus Vaudoise qu’on l’imagine en général.

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Après avoir été séduit par le brillant exposé du disciple, le nombreux public put profiter du savoir du maître, le professeur Etienne Hofmann, qui focalisa sa conférence sur les réussites diplomatiques d’Henri Monod, l’un des «Pères de la patrie». Dans le contexte de la Révolution vaudoise, de la République helvétique et de la Médiation, le futur Canton de Vaud a de la peine à se faire sa place: le nouveau Canton de 1803, le seul entièrement francophone, fortement francophile, est en butte à l’opposition des autres cantons et de la Diète fédérale. Dans ce passage difficile, Napoléon soutient l’indépendance apportée par le nouveau régime, et on rappelle son mot de 1801: «Ceci est mon sang, et le soleil retournera du couchant au levant, plutôt que Vaud sous la domination de Berne!»

La carrière du morgien Monod le montre prêt au combat chaque fois que les difficultés se présentent: à l’Assemblée provisoire de 1798, à Paris sitôt après pour une mission diplomatique, comme préfet du Canton du Léman, à la Consulta à Paris en 1802, comme président du Petit Conseil (Conseil d’Etat) en 1803, dont il démissionne pour y reprendre du service en 1811, lorsque l’indépendance du Canton est à nouveau mise en cause par les aristocrates, partisans du retour à l’Ancien Régime.

Revenons à l’année 1804: à Paris, le noble fribourgeois Louis d’Affry tente de rétablir l’ancien ordre des choses et voit d’un mauvais œil ce nouveau Canton former «une autre nation» et ne pas jouer le jeu de la Confédération. Henri Monod se précipite à Paris pour s’opposer à ces menées, multiplie les visites et les rapports auprès des autorités françaises, avec une belle énergie et une ténacité hors du commun. Il aura le dessus.

Sa mission auprès d’Alexandre Ier, en 1813, mérite aussi la mention: il obtient du tsar l’appui recherché; ni Vaud ni l’Argovie ne retourneront à Berne lors du Traité de Vienne. Le Jura servira de compensation. Mais tant la diplomatie de Monod que la présence d’une vraie armée vaudoise éviteront un retour à l’Ancienne Confédération. C’est dans les tempêtes que ce véritable homme d’Etat donnera le meilleur de lui-même; dans les moments de calme, il renoncera à toute carrière, laissant aux autres l’administration courante.

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