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Déclinaisons gothiques

Claire-Marie Schertz
La Nation n° 2080 29 septembre 2017

La restauration d’art n’a pas toujours suivi les mêmes principes au cours des deux derniers siècles, malgré les meilleures intentions du monde de la part de ceux qui en ont fait leur métier. En témoigne le portail occidental de la cathédrale de Lausanne, dit «portail Montfalcon», dont la blancheur remise au jour par un long nettoyage a pu étonner les citadins comme les touristes.

L’histoire de ce portail, construit au début du XVe siècle et copié au début du XXe siècle, fut au centre de la seconde journée d’un colloque organisé à la fin de l’été par l’Université de Lausanne sur son commanditaire, l’évêque Aymon de Montfalcon, mort il y a 500 ans. Historiens, historiens de l’art et spécialistes de littérature en moyen français se sont en effet penchés sur cette importante figure de la fin du Moyen Age dans notre région, qui fut prince d’empire, mécène lettré et humaniste, et bien sûr prélat et pasteur.

Ce portail, tout comme la chapelle dédiée à saint Maurice et aux martyrs de la Légion thébaine ainsi que ses stalles, ou encore les peintures murales au château Saint-Maire, portent tous la marque de leur commanditaire. On ne compte ainsi plus les représentations des armoiries de la famille Montfalcon, témoignage d’un réel souci de préservation de la mémoire.

Raphaël Lugeon, devant l’ampleur des dégâts causés par le temps, a pris le parti de démonter entièrement le portail, de copier les pièces trop abîmées et de compléter les espaces laissés vides. Sa créativité s’est occupée du reste, quitte à laisser un peu trop de liberté à son imagination. Aujourd’hui, on peut ainsi admirer de jolis anges musiciens qui n’existaient absolument pas au Moyen Age. Quant aux grandes figures bibliques, elles ont reçu les visages du sculpteur, de son père ou de Viollet-le-Duc, responsable de la restauration générale de la cathédrale durant la seconde moitié du XIXe siècle.

Un élément continue de susciter le débat: il s’agit du trumeau. Si le portail sud en possède un depuis sa création, ce n’est pas le cas du portail ouest, puisque c’est une création du restaurateur du XXe siècle. Après avoir (brièvement) évoqué la possibilité d’y placer une statue de la Vierge Marie, Raphaël Lugeon a dû se rendre à l’évidence: c’était hors de question pour la population à majorité protestante, sans compter le symbole très fort que cela aurait renvoyé aux catholiques. Il proposa alors une représentation allégorique de l’Evangile, mais elle n’eut guère plus de succès. Aucune statue ne fut donc installée à cette époque, mais le sujet continue à être d’actualité, puisqu’une discussion fut organisée le 13 septembre 2017 dans la cathédrale, rassemblant des personnalités telles que le pasteur André Joly, le président du conseil synodal Xavier Paillard, le vicaire épiscopal Christophe Godel ou encore l’ancien député Jacques-André Haury, entourés d’une cinquantaine de participants et auditeurs. Pourrait-on trouver une solution qui convienne à tous, comme par exemple la mise en valeur de l’ancienne statue de la Vierge qui se trouve à l’intérieur du massif occidental de la cathédrale – et qui nécessiterait une restauration –, et la mise en place d’une statue du Christ sur le trumeau pour accueillir fidèles, pèlerins et visiteurs?

En attendant de le savoir, une belle exposition du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, «Déclinaisons gothiques», est présentée à l’Espace Arlaud et permet de découvrir une sélection de pierres sculptées du XVe siècle habituellement conservées au dépôt lapidaire. On y découvre aussi le travail de Raphaël Lugeon à travers une reproduction de son atelier de sculpteur et la présentation de documents de travail1.

Après le portail peint et les stalles du XIIIe siècle, l’Etat de Vaud continue donc à valoriser son patrimoine médiéval. On se réjouit de (re)découvrir prochainement le château cantonal, écrin de joyaux picturaux inestimables et trop peu connus du public. Il sera réouvert et fêté le 14 avril 2018.

Notes:

1  «Déclinaisons gothiques. Le portail Montfalcon de la cathédrale de Lausanne», Espace Arlaud, Lausanne, du 1er septembre au 12 novembre 2017. http://www.mcah.ch/

 

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