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Un droit évolutif

Olivier Klunge
La Nation n° 2271 24 janvier 2025

Le nœud des rapports entre la Suisse et l’UE est la défense de la souveraineté de notre Confédération au milieu de ce grand espace politique et économique, à tendance libérale et donc, en pratique, bureaucratique.

Comme la construction européenne est fondée sur un rapprochement toujours plus étroit entre les Etats membres, leurs économies et leurs habitants, l’évolution législative vers une intégration toujours plus forte de sujets toujours plus larges est consubstantielle à son organisation. Les règles d’évolution des traités signés avec la Suisse constituent donc un enjeu politique majeur. Jusqu’ici la Confédération avait négocié des traités statiques (soit sans reprise automatique des développements du droit européen), à l’exception de l’accord «Schengen-Dublin». Les Suisses ont d’ailleurs pu voir ce que représente l’extension des accords, puisqu’ils ont dû, en 20191, accepter un contrôle tatillon des armes à feu, que l’UE avait décidé d’intégrer dans cet accord supposé traiter des contrôles aux frontières, des visas et de l’asile.

Désormais, tous les accords, y compris ceux déjà conclus2, seront soumis à une «reprise dynamique» de l’évolution du droit européen. Si le gouvernement suisse ne donne aucun détail sur le mécanisme décisionnel, il indique déjà que si la Suisse refuse de reprendre un nouvel acte juridique de l’UE, cette dernière «peut prendre des mesures de compensation proportionnées dans l’accord concerné ou dans un autre accord relatif au marché intérieur». Cela signifie que la Suisse doit reprendre en principe les évolutions du droit européen dans toutes les matières que l’UE rattachera dans le futur aux domaines des accords conclus. Si la Confédération ne le fait pas, certes la modification ne lui sera pas applicable, mais elle s’exposera à des sanctions (dont on ne sait pas qui jugera de leur caractère «proportionné», ni en regard de quoi elles devront l’être). Le Parlement et les citoyens suisses seront donc systématiquement soumis au chantage et au chaos en cas de refus d’une intégration plus forte dans l’UE.

De plus, la mention que ces mesures de compensation pourront être prises en lien avec «un autre accord relatif au marché intérieur» signifie que tous les accords seront liés et qu’un refus d’une modification sur l’un mettra potentiellement en péril l’ensemble des autres. Il s’agira donc, à chaque évolution, de voter sur le risque, non seulement de voir l’accord concerné résilié (comme pour Schengen-Dublin), mais chacun des autres accords de subir des altérations, sinon une résiliation. Si le paquet des bilatérales III ne contient pas formellement d’accord-cadre, le résultat en est matériellement identique, par la création d’un lien institutionnel entre tous les accords sur des domaines sectoriels.

Nous jugerons du talent des négociateurs helvétiques, du courage de notre gouvernement et de la conformité de ce nouveau paquet d’accords avec la souveraineté et les intérêts de la Confédération, lorsque nous en connaîtrons le résultat. A ce stade, nous doutons cependant que cet accord-cadre 2.0 soit différent, dans ses principes fondamentaux, de celui que le Conseil fédéral avait refusé de signer en mai 2021. Nous ne percevons pas non plus de motifs justifiant de s’écarter de la conclusion qu’il avait prise alors.

Notes:

1   La Nation n° 2121 du 26 avril 2019; cf. aussi le vote de 2022: La Nation n° 2198 du 8 avril 2022.

2   Le Conseil fédéral ne dit pas si l'accord de libre-échange Suisse-UE de 1972 est aussi concerné ou non.

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