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Actualités  |  Mardi 25 mars 2014

Pourquoi veut-on faire la guerre?

Tel veut la guerre pour étendre ses terres, tel autre pour pour accéder à la mer, pour l'eau, l'or, le pétrole, l'uranium. Un peuple conquiert une terre parce que c'est sa Terre Promise. Un autre est entraîné dans l'aventure par un chef visionnaire, à l'image des Macédoniens d'Alexandre ou des Huns d'Attila.

La chrétienté organise des croisades pour libérer les lieux saints. Les Etats-Unis font ou fomentent des guerres pour s'ouvrir de nouveaux marchés.

Il arrive aussi qu'un pouvoir aux abois déclare la guerre parce que son pays se porte très mal, et qu'une «bonne petite guerre» lui permettrait de détourner l'irritation de la population sur des responsables extérieurs.

Aucune guerre n'est fraîche et joyeuse, mais la plus dangereuse est la guerre sans finalité, la guerre-domino. Il faut la voir comme l'aboutissement d'une escalade fatale et incontrôlée dont chaque étape découle mécaniquement de l'étape antérieure, jusqu'à l'éclatement que personne ne voulait vraiment. C'est la guerre du laisser-aller, de la faiblesse et de la démesure, qu'on présente généralement comme la guerre de la paix, de la justice et du bon droit.

On déclare la guerre parce qu'on a posé des ultimatums qui n'ont pas été respectés et dont on savait qu'ils ne le seraient pas. Ou alors, le chef du gouvernement a tant fanfaronné qu'il ne peut revenir en arrière sans avoir l'air d'un foutriquet aux yeux de son peuple, chauffé à blanc et prêt à partir la fleur au fusil.

Le système de l'aggravation des sanctions que nous vivons ces jours-ci relève de la même absence de but politique. On gèle les comptes des proches du président Poutine, puis on menace la Russie de rétorsions économiques, puis la France envoie des avions de combat dans les pays baltes. Et pourtant, personne n'imagine que cela va contraindre le nouveau tsar à se retirer de Crimée, ni même l'empêcher de pousser au-delà, si ce praticien de la Realpolitik le juge nécessaire.

D'un côté, donc, aucune personne raisonnable ne tient à mourir pour Simféropol, de l'autre, le soufflé continue imperturbablement de monter.

Les guerres sans but sont les pires parce que, faute d'une finalité limitée qui proportionne l'effort de guerre à son objet, c'est l'anéantissement de l'ennemi qui devient le but. La paix ne se fera que sur son cadavre, à n'importe quel prix, avec n'importe quels moyens. Et dans ce genre de conflit sans limite, celui qui n'est pas notre allié est notre ennemi. C'est une guerre susceptible d'entraîner une bonne partie du monde.

Certains jubilent en voyant ces insupportables Américains tenus en échec par un chef d'Etat à l'ancienne, qui joue son jeu à sa manière et prépare ses coups en les mesurant au plus juste, indifférent aux critiques, réprimées sans ménagement, des opposants et de la presse. Cette jubilation laisse entrevoir une pointe inavouée et, vu les risques, assez infantile de bellicisme revanchard.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 25 mars 2014)