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Un grand désordre - Un nouveau projet de loi sur les péréquations intercommunales

Cédric Cossy
La Nation n° 1755 1er avril 2005
Pas de répit pour les réformateurs de la fiscalité vaudoise! Quatorze mois après l’entrée en vigueur de la bascule d’impôt EtaCom, le Conseil d’Etat vient d’adopter un nouveau projet de loi sur les péréquations intercommunales (LPI).

Situation actuelle

Les communes sont soumises à deux mécanismes de péréquation. Depuis 2001, une péréquation horizontale directe est financée par l’équivalent de 13 points d’impôt communaux. La redistribution du fonds obéit à une pondération tenant compte de l’effort fiscal communal, de la capacité contributive de sa population et du nombre d’habitants. Un mécanisme supplémentaire de solidarité assure provisoirement le plafonnement des taux communaux à 85%. Les transferts nets entre communes sont de l’ordre de 61 millions par an.

Le financement de la facture sociale est assimilé à un mécanisme péréquatif indirect. L’Etat facture 50% de l’entier des coûts sociaux au communes, selon un barème complexe, historiquement basé sur une échelle de 13 classes définies principalement sur la capacité contributive des communes. La facture sociale se monte actuellement à 385 millions; pour nombre de communes, la péréquation indirecte influence plus fortement leurs finances que la péréquation horizontale directe. Remarquons que l’intégration de la facture sociale avait volontairement été écartée de la démarche EtaCom pour ne pas faire capoter l’entier du projet.

Le projet de LPI

Le projet de loi sur les péréquations intercommunales définit une échelle unique pour les deux types de péréquation. La classification se base sur trois critères, à savoir l’effort fiscal communal (somme des impôts et taxes communales divisée par l’impôt cantonal), le rendement de l’impôt communal (y compris les recettes conjoncturelles) et la population. Ces trois facteurs sont pondérés à 30, 50 et 20% dans le calcul de la classe de péréquation. Cette classification, exprimée au dixième sur une échelle de 0 à 20, est désormais calculée postnumerando pour prendre en compte la situation fiscale réelle des communes. La facture sociale de chaque commune est déterminée par sa population, pondérée par sa classification.

Le fonds de péréquation horizontale directe reste alimenté par 13 points d’impôt communaux. Sa redistribution obéit à quatre mécanismes dont certains sont originaux. Le fonds sert en priorité à subventionner des activités dont la charge dépasse une certaine fraction des dépenses communales. Le projet prévoit le subventionnement à hauteur de 85% des charges liées au transport (entretien des routes, transports publics et scolaires...) dépassant 8 points d’impôts; il en va de même pour les charges liées à l’entretien des forêts si elles dépassent un point d’impôt. Le deuxième mécanisme limite l’effort péréquatif (direct et indirect) à 70% du fruit de l’imposition et des recettes conjoncturelles de la commune. Le plafonnement du taux communal avec subventionnement de l’excédent de charges arrive en troisième place pour l’emploi du fonds. Enfin, le solde du fonds est rétrocédé au prorata de la classe de péréquation.

La nature des activités subventionnées, tout comme les indices définissant l’approvisionnement et la redistribution du fonds, sont définis dans un décret d’accompagnement à la LPI, renouvelable tous les trois ans. Le Grand Conseil a donc la possibilité de modifier à volonté les règles fiscales.

La complexité du système ne permet pas de tracer de règles générales: les très petites communes bénéficient de subventions nettes (plus de 60 points d’impôt pour Naz) permettant le plafonnement du taux communal à 85. La classification étant liée au nombre d’habitants, la facture sociale diminue pour les grandes communes. Lausanne, tous comptes faits, voit sa part contributive nette diminuer d’environ 9 points d’impôts.

Les communes à forte capacité contributive sont particulièrement taxées. Un dizaine de communes de La Côte se voient réclamer une contribution nette évaluée entre 55 et 60 points d’impôts. Pour certaines, cette contribution dépasse ou égale le taux communal actuel! Ces communes n’auront donc d’autre solution que d’augmenter massivement leur imposition. A l’autre extrême, Villars-Sainte-Croix verra sa contribution nette diminuer entre 15 et 25 points, quoique son taux communal de 65 semble tout à fait raisonnable! Malgré sa complexité, la mécanique accouche donc de quelques aberrations.

Et après?

La démarche Police 2000 est sur le point d’aboutir. Dans sa définition actuelle, elle prévoit la reprise de l’entier des charges de police judiciaire et de police-secours par le Canton, reprise qui sera financée par la bascule de 2 points d’impôt des communes au Canton. Le financement de la police de proximité sera réparti entre toutes les communes en fonction du nombre de leurs habitants. Le système devrait donc soulager les grandes communes entretenant un corps de police, mais plomber les comptes des communes moyennes. A nouveau, Lausanne se taille la part belle avec une diminution de ses charges estimée à 13 points d’impôt.

Une des justifications majeures du projet de LPI est l’uniformisation des règles régissant les actuelles péréquations directe et indirecte. Que vaut cet argument si Police 2000 est financée par un mécanisme de péréquation indirecte basé sur des critères foncièrement différents de ceux retenus dans la LPI?

Au panier!

Le projet de LPI amène à notre avis un seul élément positif. La suppression des effets de seuil découlant de la définition rigide des actuelles 13 classes d’imposition permet d’éviter de brusques variations de charges d’un exercice à l’autre. Le lissage de la classification ne nécessite cependant pas une refonte totale des règles de péréquation. La classification postnumerando adapte certes les charges de péréquation aux rentrées fiscales réelles. Nous souhaitons cependant bon courage aux municipalités pour préparer un budget sur des éléments inconnus et échappant à leur contrôle. Ces municipalités doivent aussi se sentir trompées: c’est entre autres pour échapper à la facturation postnumerando que les communes ont accepté en 2001 une augmentation progressive de 33 à 50% de leur participation à la facture sociale. De par la constante augmentation des charges sociales, la facturation en temps réel correspond de fait à un nouveau transfert de charges du Canton vers les communes de l’ordre de 10 millions par an!

A ce jour, les comptes communaux et cantonaux pour 2004, premier exercice après la bascule EtaCom, ne sont pas encore publiés. La sagesse aurait voulu que le Gouvernement évalue ces comptes avant d’accepter le projet de LPI. Les calculs du projet se basent en effet sur les exercices 2002 et 2003, années durant lesquelles d’importants changements sont intervenus (taxation postnumerando, augmentation de la facture sociale). La présentation du projet est donc prématurée. Ce jugement est renforcé par l’avènement annoncé, mais non intégré dans le projet de LPI, de Police 2000 et ses nouveaux mécanismes de péréquation.

Le projet est avant tout une construction technocratique, dont les résultats délirants, voire insultants vis à vis de certaines communes pourtant bien gérées, suffisent à prouver l’ineptie. La tactique du salami (EtaCom, facture sociale, LPI, Police 2000) est la source d’un désordre durable dans les finances publiques. Ce désordre se traduit par d’incessantes fluctuations des taux cantonal et communaux. Au bilan, on assiste à une augmentation généralisée de l’imposition: les taux suivent généralement les nouvelles charges de péréquation, alors qu’ils ne baissent pas forcément quand ces charges diminuent. Pour rappel, lors de l’introduction du fonds de péréquation horizontal en 2001, la totalité des charges fiscales communales a bondi de 10%, alors qu’il devait s’agir d’une modification de la facturation globalement neutre pour le Canton et les communes.

La LPI, dont les éléments sont susceptibles d’être modifiés à volonté par décret, contient en soi suffisamment d’ingrédients pour perpétuer le désordre dans le régime fiscal des communes. Cette immense souplesse ne semble cependant pas suffire aux concepteurs du projet, comme le prouve la conclusion de l’exposé des motifs: «...Malgré son importance, cette réforme n’a pas forcément vocation à s’inscrire sur le très long terme. Toute péréquation est le reflet des conditions d’une époque donnée, avec la situation économique et financière des collectivités qui en découle et avec les priorités politiques du moment...»

Le problème, c’est justement l’absence de priorités politiques du Gouvernement cantonal, qui débouche sur une incapacité à juguler ses propres dépenses. Il est dès lors malhonnête de vouloir instaurer une mécanique qui offre à l’Etat la flexibilité de ventiler de nouvelles charges sur les communes. Le projet de LPI doit être renvoyé à l’expéditeur.

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