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Loi sur l'énergie - Ce n’est que le début du feuilleton

Cédric Cossy
La Nation n° 2068 14 avril 2017

Le parlement fédéral a adopté la nouvelle loi fédérale sur l’énergie (LEne) en septembre 2016. Alliance Energie et un groupe de politiciens de droite ont conduit avec succès la campagne référendaire contre ce texte, ce qui amène les Suisses à se prononcer sur l’objet le 21 mai prochain.

Le volume du texte soumis au vote doit déjà éveiller notre prudence: la LEne comporte septante-sept articles classés en quatre chapitres, mais s’accompagne de la modification de onze lois existantes. La loi sur le CO2 n’est pas la moindre, puisque près du tiers des articles de ce texte doivent être amendés pour lui permettre de répondre aux principes généraux de la LEne.

Le contenu est un compromis parlementaire faisant suite à la Stratégie énergétique 2050. Rappelons que le volet de la fiscalité écologique initialement prévu n’a pas passé la rampe lors des débats. La LEne apparaît de ce fait comme une loi de transition, puisque ses buts et principes ne portent pas au-delà de 2035. Et comme plusieurs des effets de la loi sur le CO2 sont définis jusqu’en 2020 seulement, il ne faudra guère attendre pour que l’ouvrage soit remis sur le métier!

Les buts de la LEne fixent, côté production, la fraction de l’électricité issue d’énergies indigènes renouvelables. L’électricité d’origine hydraulique devrait atteindre 37’400 GWh en 2035, ce qui correspond modestement au maintien des capacités actuelles (39’500 GWh produits en 2015). La loi appelle à quadrupler la puissance des autres sources renouvelables dans le même intervalle pour atteindre 11’400 GWh, soit à peu près la moitié de la puissance délivrée aujourd’hui par les centrales nucléaires. Comme ces dernières auront entre-temps perdu leur autorisation d’exploiter, la loi prévoit côté consommation une réduction de 13% par habitant. Ceci n’est qu’une part des économies prévues puisque, toutes énergies confondues, les Suisses sont appelés à réduire leur consommation de 43% relativement à l’an 2000!

Le gros effort d’économie qu’impose la LEne aux Suisses porte donc pour 30% sur les énergies fossiles et autres non renouvelables. La nouvelle loi parle pourtant presque exclusivement de la production et de l’approvisionnement en… électricité. Le texte prévoit l’augmentation de l’actuelle taxe RPC de 1,5 ct/kWh à 2.3 cts/kWh pour permettre de soutenir la mise en service de nouvelles installations de production vertes et de maintenir les grandes installations hydroélectriques, victimes de revers conjoncturels dus aux prix dérisoires pratiqués actuellement sur le marché européen1. Le texte règle également les conditions de reprise et de distribution du courant indigène vert.

L’augmentation de la taxe prévue amène le Conseil fédéral à parler d’une augmentation modeste de 40 francs par an pour un ménage suisse C’est exact, mais très incomplet: afin de réduire sa consommation de 13%, ce même ménage devra remplacer des appareils ménagers parfaitement fonctionnels par de nouveaux plus économes et s’acquitter d’un supplément d’abonnement pour un compteur électrique intelligent; tout ceci va augmenter singulièrement la facture.

Concernant les objectifs de réduction de la consommation des autres énergies, la LEne ne fait que renvoyer à la loi sur le CO2: réduction des valeurs cibles d’émission des véhicules à moteur, prolongation du Programme Bâtiments destiné à accélérer la rénovation du parc construit, remplacement imposé de systèmes de chauffage jugés peu efficients, programme de réduction drastique de la consommation pour l’industrie, maintien de la taxe à une valeur multiple du prix des certificats d’émission de CO2 sur le marché européen, etc. Tout ceci va naturellement influencer la facture de mobilité et les coûts de logement du ménage suisse. Il se peut donc bien que les opposants à la LEne aient aussi raison dans leur estimation de 3200 francs annuels de taxes et frais supplémentaires.

Remarquons que, concernant les énergies fossiles, la nouvelle LEne ne fait que reprendre, en les amplifiant certes, le mécanisme et les taxes imposés par la loi sur le CO2, en vigueur depuis 2012. Or, comme certaines dispositions de cette loi ne portent pas au-delà de 2020 et que ses objectifs ne seront probablement pas respectés (en particulier pour l’emploi des carburants), une nouvelle version destinée à tondre la bête un peu plus court est inévitable dans les deux ans à venir. Sitôt fait, c’est la révision de la LEne pour permettre son extension au-delà de 2035 qui sera nécessaire. Les parlementaires n’ont pas voulu gober la Stratégie énergétique 2050 du premier coup? Qu’à cela ne tienne: tout comme eux, les Suisses vont devoir la digérer par petites tranches légales.

Nous ne partageons pas forcément les prévisions économiques alarmistes du comité référendaire. Les programmes de rénovation des bâtiments amèneront travail et besoin de main-d'œuvre, le remplacement des appareils et véhicules trop gourmands en énergie fera tourner le commerce. Le contrôle et la planification des termes de la loi créeront de nombreux emplois administratifs. Le seul manque à craindre est celui des liquidités, privées ou institutionnelles, nécessaires au succès du programme.

Ceci n’est à nos yeux pas une raison suffisante pour accepter une loi avouant moins de la moitié de ce qui nous attend vraiment sur le plan législatif. Nous voterons NON dans l’attente d’un projet complet et sans surprise à retardement.

Notes:

1 Il est aujourd’hui possible à certaines heures de la nuit d’obtenir de l’électricité à prix négatif car il serait plus cher ou impossible d’arrêter des unités de production en période de sous-consommation.

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