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Le patrimoine vaudois en question

Antoine Rochat
La Nation n° 2068 14 avril 2017

Notre dernier article sur le patrimoine vaudois était sous presse1 lorsqu’est née une importante controverse, sous la forme d’une lettre ouverte intitulée «Patrimoine vaudois en danger». Nous présenterons cette démarche et quelques-unes des réactions qu’elle a suscitées, avant de prendre position.

Une lettre ouverte

En substance, la lettre ouverte adressée au Conseil d’Etat vaudois demande que la Division du patrimoine ne soit plus rattachée au Département des finances, mais qu’elle revienne dans celui des infrastructures (comme c’était le cas avant 2012). Les raisons invoquées sont une politique incohérente (certains monuments soutenus après de longs atermoiements, tandis que des édifices de prestige sont généreusement soutenus), une absence de vision à long terme et une volonté d’économiser sur les budgets de fonctionnement.

La lettre cite différents exemples (cures vaudoises, mobilier du château d’Hauteville, mosaïques d’Orbe, fouilles archéologiques de Vufflens-la-Ville ou de Vidy, vestiges de la muraille romaine d’Avenches, etc.). Elle est signée par d’anciens hauts fonctionnaires et par des spécialistes du patrimoine2.

Datée du 27 mars 2017, la lettre ouverte invite à signer une pétition en ligne3, déjà paraphée par un millier de personnes en quelques jours.

Réactions dans la presse

La démarche des défenseurs du patrimoine a suscité de nombreuses réactions dans la presse: la radio (RTS) en a parlé, de même que plusieurs journaux4.

Les articles que nous avons lus présentent en détail les arguments des pétitionnaires, tout en donnant la parole à M. Pascal Broulis, chef du Département vaudois des finances.

La presse révèle en outre que l’Etat de Vaud a dénoncé le contrat liant le Canton aux Monuments d’art et d’histoire, une collection suisse publiant l’inventaire du patrimoine construit dans chaque canton.

Cadre légal et réponse de l’Etat

La Constitution cantonale prescrit que l’Etat «conserve, protège, enrichit et promeut le patrimoine naturel et culturel»5. La loi vaudoise sur la protection de la nature, des monuments et des sites (LPNMS) du 10 décembre 1969 contient un chapitre sur la «protection spéciale des monuments historiques et des antiquités»6. Cette loi prévoit notamment le principe d’une participation financière de l’Etat (art. 56), la création d’un fonds cantonal des monuments historiques (art. 60 et 61), ainsi que les possibilités d’acquisitions de monuments ou d’objets par l’Etat (art. 64 et 65).

Dans l’organisation actuelle du Canton, la protection du patrimoine relève du Service immeubles, patrimoine et logistique (SIPAL), qui comprend en particulier une section «monuments et sites» et une autre «archéologie cantonale».

A notre connaissance, l’Etat de Vaud n’a pas encore répondu officiellement à la lettre ouverte. Selon la presse, M. Broulis rejette l’ensemble des critiques, dit que les budgets ont augmenté et qu’il n’y a selon lui pas de conflit d’intérêts entre finances et patrimoine.

Première appréciation

La démarche des anciens responsables et des spécialistes du patrimoine n’est pas anodine. Le ton de la lettre est ferme et les exemples cités non négligeables. Il ne faut donc pas prendre cette affaire à la légère.

Le calendrier de la sortie de la lettre – un mois avant le premier tour des élections cantonales – est compréhensible, mais il ne nous paraît guère heureux. La démarche apparaît comme une attaque personnelle contre le chef du Département des finances, alors qu’elle soulève plutôt une question de principe: est-il opportun, ou non, que la gestion du patrimoine dépende des finances?

Certes, le cadre légal est respecté, et la répartition des domaines est du ressort du Conseil d’Etat. Cependant, nous sommes d’avis que le changement opéré depuis 2012 n’est pas heureux. Le patrimoine devrait dépendre prioritairement des infrastructures, voire des institutions, ou même de la culture, et non pas des finances. Le patrimoine relève de notre identité et de notre histoire, avant d’être une affaire d’argent.

Selon nous, cette polémique soulève encore d’autres questions:

– Comment le fonds cantonal des monuments historiques fonctionne-t-il?

– Quel est le rôle des communes dans la protection du patrimoine?

– Comment distinguer entre l’entretien d’un monument et son exploitation (ouverture au public)?

– Faudrait-il revoir le cadre légal de la protection du patrimoine?

Toutes ces questions devront être reprises une fois la fièvre électorale retombée.

Notes:

1 «Le patrimoine vaudois à l’honneur», La Nation n° 2067 du 31 mars 2017.

2 Parmi les onze signataires vaudois, citons MM. Jean-Pierre Dresco, Marcel Grandjean, Philippe Junod, Gilbert Kaenel, Daniel Paunier, Olivier Pavillon et Denis Weidmann.

3 www.petitions24net/patrimoine_vaudois_en_danger.

4 Par une rapide recherche sur internet, nous avons trouvé des articles sur cette affaire dans les journaux suivants: 24 heures, Le Temps, Bilan, La Côte, La Liberté et Le Matin Dimanche.

5 Art. 52 al. 1 Cst. VD.

6 Art. 49 à 65 LPNMS.

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