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Les laïcs dans l’Eglise

Olivier Klunge
La Nation n° 2071 26 mai 2017

Dans son ouvrage sur l’Eglise libre1, Jean-Pierre Bastian souligne que l’ecclésiologie libriste était fondée sur la communauté des fidèles, alors que l’Eglise nationale reposait sur un corps pastoral desservant l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, L’Eglise évangélique réformée (EERV) présente un visage clérical où les ministres organisent et gèrent les activités de l’Eglise et des paroisses avec le soutien de bénévoles2.

La diminution du nombre des ministres et des vocations appelle à valoriser la place des laïcs, à leur faire confiance pour conduire des groupes, des activités, des célébrations. Cette pression pratique n’est pas uniquement une contrainte, mais aussi une occasion de revenir à une ecclésiologie fondamentalement réformée3 et à développer l’aspect communautaire dans notre vie d’Eglise.

Les pasteurs doivent se recentrer sur leurs missions spécifiques, la prédication et l’administration des sacrements, mais aussi sur la conduite et l’accompagnement spirituels4. La crise que vit l’EERV est une crise spirituelle. La société n’attend pas que l’EERV définisse une «posture» ou des modes de communication ou de manifestations, mais une foi, une conviction, une mission justifiant son rôle et sa raison d’être.

En faisant confiance aux laïcs (fidèles ou distanciés), l’Eglise réformée, tout en retrouvant ses racines, trouvera un langage accessible à nos contemporains. Dans une société imprégnée d’individualisme libertaire, nous voulons tous développer un chemin spirituel personnel, nous intéresser à la foi par nous-mêmes. En renouant un dialogue vrai, sincère et humble, en entrant en relation avec nos contemporains, l’Eglise passera d’une attitude de "faire pour" à "faire avec"5.

Il est évident que la société a beaucoup changé au cours des toutes dernières années et que l’Eglise doit s’y adapter, non pour épouser les modes sociales mais pour que son témoignage de la Parole de vie soit vivant et vivifiant aujourd’hui6.

La réponse à l’évolution sociale ne doit pas être un renforcement du centralisme (inflation des postes centraux et de coordination, des directives et autres messages "non contraignants", des études et programmes, des contrôles incessants et pointilleux). L’EERV doit au contraire alléger ses structures institutionnelles7 avec l’objectif de diminuer les forces vives de ministres et de laïcs dépensées pour faire "tourner la machine" et les réorienter vers des activités au contact avec la population.

Cela signifie renforcer l’échelon local existant et fonctionnel, bien reparti sur l’ensemble du territoire et en contact étroit avec le peuple vaudois: les paroisses.

Ces dernières devront en revanche répondre aux questions que la diminution des forces ministérielles et l’évolution de la société leur posent. Elles aussi devront alléger leurs structures et leurs modes de fonctionnement, s’attacher de nouvelles personnes, écouter les attentes de leurs interlocuteurs, fidèles ou plus éloignés. Elles devront accepter certes de renoncer à certaines activités qui dépérissent, mais pour s’engager dans de nouvelles actions, en s’inspirant de ce qui fonctionne ailleurs8. Le gouvernement de l’Eglise laissera à chaque paroisse l’autonomie, y compris financière9, pour tester de nouvelles formes d’actions et de célébrations, de nouvelles formes de présence locale, pourquoi pas aussi sous le contrôle exclusif de laïcs (cas échéant indemnisés). Il pourra soutenir ces actions par des formations, du matériel (par exemple un livret de liturgie simple et belle) et des conseils; voire même encourager certaines initiatives remarquables par des moyens supplémentaires.

Ce renforcement des paroisses ne pourra se faire sans concéder une diminution des ministères spécialisés. Les paroisses assumeront ainsi, y compris avec des laïcs et en réseau, les aumôneries de proximité (EMS, hôpitaux régionaux et cliniques, gymnases, écoles, institutions spécialisées, centres de requérants). D’autres ministères spécialisés doivent rester autonomes, à commencer par les aumôneries de l’Université, du CHUV et des prisons. Les régions, débarrassées de la suspicion de prétendre être la paroisse de demain, pourront jouer le rôle de coordination et d’échange entre ces dernières.

Y aura-t-il des laïcs, en particulier bénévoles, pour prendre les places qu’on leur propose? Ma modeste expérience montre que lorsque l’on propose à des personnes, même distanciées de l’Eglise, un engagement, peu formel et dynamique, clairement circonscrit (pas un conseil de paroisse pour cinq ans au moins), répondant à un de leurs besoins pratiques (par exemple en lien avec les enfants) ou questionnements spirituels, il n’est certes pas facile, mais possible, de trouver des intéressés qui peuvent devenir des moteurs et des recruteurs.

Donner une nouvelle place aux laïcs, recentrer les pasteurs et les diacres sur leurs missions premières, recèle des perspectives de développement prometteuses. Ces évolutions ne demandent pas de détruire ce qui existe avant de bâtir des lendemains qui chantent. Elles permettent de s’appuyer sur une ecclésiologie solide et éprouvée, de retrouver un équilibre presbytéro-synodal, tout en répondant aux attentes de nos contemporains, pratiquants ou non.

Notes:

1 La Fracture religieuse vaudoise, 2016.

2 Le Message du Conseil synodal à propos des cultes dominicaux du 4 avril 2017 ou la réponse à la question du Pasteur Laurent Lasserre au synode du 10 décembre 2016 (point 14.1.1) sont des exemples caricaturaux de ce travers.

3 En Pays de Vaud, l’Eglise catholique romaine, sans doute par nécessité, repose beaucoup plus fortement sur l’engagement des laïcs que l’EERV.

4 Cf. P. Glardon/E. Fuchs, Turbulences, 2011, p. ex: pp. 291 ss.

5 V. Rochat, Le Temps presse!, 2012, p. 69.

6 Alors que nous célébrons le 500e de la Réforme, on ne peut oublier que ce n’est pas la première fois que la société change et que l’Eglise s’adapte à cette évolution, en conservant (ou retrouvant) la fidélité à sa Source.

7 Cf. Turbulences, p. 168.

8 Mme Martina Schmidt, pasteur à Montreux, donne quelques exemples intéressants dans son article Sur le terrain, des bénévoles se mobilisent, 24 heures du 17 mai 2017.

9 Il est décourageant pour les paroisses comme pour les personnes engagées de voir partir pour les services centraux environ 60% en moyenne (jusqu’à 90% dans une paroisse) des dons octroyés à la paroisse.

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