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† Philippe Gardaz

Jean-François Cavin
La Nation n° 2091 2 mars 2018

Philippe Gardaz était doué d’une intelligence fulgurante. A peine avait-on saisi ce qu’il venait de dire qu’il était déjà deux idées plus loin. Or cette rapidité d’esprit n’avait rien de superficiel. Ses analyses allaient au cœur des problèmes, même s’il tenait à n’avoir pas l’air d’y toucher; cette plaisante désinvolture – une sorte de modestie qui signifiait: «Ne me prenez pas trop au sérieux», servie par un humour intarissable – n’empêchait pas la profondeur. Un exemple parmi cent: aux Entretiens du mercredi, il nous a parlé naguère de l’éventuelle création d’un diocèse vaudois, qu’il souhaitait en principe mais pour laquelle, selon lui, les temps n’étaient pas venus, en nous décrivant très substantiellement ce que devrait être un diocèse dans sa plénitude; ses réserves ne tenaient pas à des circonstances socio-politiques, mais à sa forte compréhension de l’organisation ecclésiale.

Vaudois catholique du district d’Echallens, donc relevant de notre plus ancienne tradition confessionnelle, il a voué ses forces à son Eglise comme au Pays. Grand connaisseur du droit ecclésiastique, il a fait bénéficier de son savoir et de son jugement la Fédération vaudoise des paroisses catholiques, l’Université de Fribourg où il a enseigné, le diocèse et la Conférence des évêques suisses pour laquelle il fut expert sur les relations entre l’Eglise et l’Etat.

Mais son engagement confessionnel allait de pair avec une grande ouverture. Ayant épousé une des filles du pasteur de la Cathédrale, il se disait «œcuménique par immersion». Sa grande culture lui permettait de comprendre et de commenter les diverses pensées et attitudes religieuses, leurs caractéristiques, leurs paradoxes. Il vouait une attention égale aux mouvements de la société et à l’évolution du droit, qu’il maîtrisait si bien comme avocat et comme juge.

Ses grandes capacités auraient pu le destiner à un rôle politique de premier plan. Mais il a préféré œuvrer de manière discrète, en soutien généralement bénévole de ceux qui agissent en pleine lumière. Etait-ce parce que, lorsqu’il entrait dans la vie active il y a un demi-siècle, les catholiques vaudois étaient encore un peu en marge du corps principal de l’officialité? Ou par la conscience que son génie propre était de prodiguer le conseil plutôt que d’exercer l’autorité? Ou encore pour mieux préserver sa liberté, qui lui était chère, avec son esprit un rien frondeur?

Toujours est-il que, sans être sous les feux de la rampe, il était au cœur des affaires du Canton, servi par un réseau de renseignement amical qui faisait de lui l’un des hommes les mieux informés de la vie vaudoise. La rigueur et la pertinence de ses avis l’ont amené à être un des conseillers les plus écoutés de maint magistrat. Sa finesse diplomatique nourrissait sa vocation d’intermédiaire subtil entre catholiques et réformés, entre catholiques traditionalistes et catholiques suivant le mouvement de l’Eglise, entre familles de souche radicale ou libérale, entre le parti libéral et la Ligue vaudoise.

Car, libéral de tendance nationale, Philippe Gardaz était aussi très proche de notre mouvement. Il avait suivi le camp de Valeyres et y revenait régulièrement comme visiteur ou comme orateur. Il a mainte fois été le conférencier des Entretiens du Mercredi. Il a signé des articles dans La Nation. Les Cahiers de la Renaissance vaudoise ont publié deux ouvrages de sa plume: Le service civil, mythe dangereux en 1977 et Au royaume de Babar dans Contrepoisons 4 en 1990 (voyez l’étendue de sa culture et son sens de l’humour…); cette étude à la fois comique et sérieuse de la cité des éléphants imaginée par Jean de Brunhoff est une vraie leçon de science politique!

Le 21 février, la foule qui eût rempli deux ou trois fois l’église du Saint-Rédempteur montrait bien que Philippe Gardaz a beaucoup donné à notre Pays. En évoquant, nous aussi, sa mémoire avec gratitude, nous disons notre sympathie à son épouse et à sa famille.

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