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Voter sur la défense de l’espace aérien?

Jean-François Cavin
La Nation n° 2098 8 juin 2018

Le Conseil fédéral a choisi de donner à la population la possibilité de se prononcer sur le principe de l’acquisition du futur avion de combat et des futurs missiles sol-air; il ouvre une consultation à ce sujet. Un «arrêté de planification» serait voté par les Chambres, posant ce principe, fixant une enveloppe de 8 milliards de francs et exigeant que le prix payé à des fournisseurs étrangers soit intégralement balancé par des «commandes compensatoires» en faveur de l’industrie suisse. Il serait considéré comme un arrêté «de portée majeure» et donc soumis au référendum facultatif selon l’article 28 de la loi fédérale sur le parlement. Cette procédure, une «première» dans l’histoire de nos institutions, appelle une double appréciation, politique et juridique.

Politiquement, on peut comprendre le Conseil fédéral. Les adversaires de la défense nationale, déclarés ou embusqués, ne… désarmeront jamais et trouveraient bien un moyen de mettre un bâton dans les roues, au besoin en lançant une initiative populaire comme dans le cas du F/A-18. Il est donc assez habile de faire trancher l’affaire par le peuple dès le début en espérant aplanir les obstacles ultérieurs.

Toutefois cette option introduit par la bande le référendum financier, que notre Constitution ne prévoit pas et dont la création poserait d’ailleurs de nombreux et difficiles problèmes. Est-il correct de procéder de la sorte?

Notre journal a montré l’an passé (La Nation n° 2075 du 21 juillet 2017) que l’adoption d’un «arrêté de planification» soumis au référendum pour l’acquisition du seul avion de combat serait hautement discutable; car tout projet important et coûteux dont la réalisation s’étend sur plusieurs années exige une planification de sa préparation et de son développement; ce serait donc introduire indûment le référendum financier, par la voie d’un précédent aisément généralisable. Nous estimions que le coût d’un projet ou son importance politique ne suffisaient pas à justifier une «planification» par un acte législatif préliminaire; celui-ci n’aurait de raison d’être que si le projet présente plusieurs composantes appelant par la suite des décisions particulières. Avons-nous été entendus? Toujours est-il que la décision actuelle du Conseil fédéral porte maintenant non sur l’avion seulement, mais sur l’ensemble des moyens de défense de l’espace aérien. Il faut donc admettre que le procédé est légalement fondé.

Mais il constituera un précédent – et comme les projets coûteux et «sensibles» concernent surtout l’armée, un précédent peut-être risqué pour la défense nationale. Il convient donc de cadrer strictement le recours à cette méthode. Dans ses documents de consultation, le Conseil fédéral le fait insuffisamment. Il avance trois arguments à l’appui de son choix:

–  c’est un projet essentiel pour la politique de sécurité. Or cela montre peut-être qu’il est de «portée majeure», mais nullement qu’il y ait besoin d’une planification;

–  il entraîne des charges considérables. Mêmes remarques! Où est le besoin spécial de planifier?

–   les deux projets précédents d’acquisition d’avions ont été soumis au vote populaire. C’est un argument d’opportunité politique, mais sans valeur juridique. Pour le F/A-18, on l’a rappelé, c’était à la suite d’une initiative populaire constitutionnelle «pour une Suisse sans avions de combat». Pour le Gripen, c’était en vertu d’un montage législatif des plus discutables échafaudé pour l’occasion, avec création d’un fonds spécial jusque-là inconnu de notre régime financier.

Pour éviter de créer un précédent qui introduirait de fait un référendum financier «ad libitum», le Conseil fédéral devrait mieux étayer son choix. Le fait qu’il s’agisse d’un programme à plusieurs composantes, entraînant des crédits à décider ultérieurement par arrêtés fédéraux simples (non soumis au référendum), nous paraît être le critère déterminant. Cela doit être clairement exprimé.

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