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Saint Augustin

Lars Klawonn
La Nation n° 2123 24 mai 2019

Rares sont les saints qui n’ont jamais péché. Saint Augustin (354-430) ne fait pas exception. Dans Les Confessions, il ne parle pas de Dieu. Il parle à Dieu. Il se confesse devant Dieu et dans un livre. Mais pourquoi se confesse-t-il dans un livre et donc en public? La réponse qu’il donne lui-même est d’une étonnante simplicité: «Seigneur, je me confesse à vous pour que les autres hommes m’entendent.» Cela signifie qu’il s’accorde une mission. Elle est au fond celle de tous les chrétiens, à savoir la conversion des pécheurs. Or c’est par sa démarche que saint Augustin se distingue des autres. Notamment, il pense qu’à défaut de pouvoir démontrer la vérité de ses confessions, c’est par la charité, qui selon lui donne la bonté, qu’on le croit. C’est par la charité que l’aveu de ses péchés de jadis sauve du désespoir et ouvre le cœur de l’homme à Dieu. La charité de l’écoute et de la bonne foi est fondée sur le principe inviolable qu’on ne ment pas dans ses aveux sur soi-même.

A partir de là, Les Confessions sont l’exécution d’une œuvre littéraire très précise et rigoureuse dont le sujet n’est pas la confession du passé: «Je vais me peindre, non tel que je fus, mais tel que je suis.» Ecrit entre 397 et 401, ce texte de rétrospection mélange aisément le vécu et les réflexions d’ordre philosophique et théologique. Saint Augustin non seulement dévoile les péchés de corps et d’esprit de sa jeunesse, mais surtout il les réinterprète à la lumière de sa foi et de ses conceptions, tout en les considérant comme venant de Dieu pour lui permettre de trouver le chemin de la vérité.

C’est précisément ce chemin de la vérité que saint Augustin raconte avec une franchise et une finesse d’esprit rarement atteintes. Né en Afrique en 354, il s’est converti tardivement au christianisme, malgré une mère très croyante. Cela se passa à Milan après une expérience très mystique. Il avait déjà 32 ans. D’ailleurs sa mère joua un rôle primordial sur son chemin vers Dieu. On la donna en mariage à un jeune noble, un homme païen, violent et libertin. Au fil du temps, et grâce à sa foi, sa patience et sa grande vertu, la future sainte Monique finit par émouvoir son époux, qui devint chrétien à la fin de sa vie. Elle fut toujours avec son fils dans l’esprit et dans les prières jusqu’à sa mort et au-delà pour le protéger du mal et de la perdition.

Contrairement à saint Paul, qui fut converti d’un seul coup par une apparition sur la route de Damas, la conversion du saint de Carthage fut lente et constante. Elle était jalonnée de plusieurs événements singuliers et d’expériences de la vie qui semblaient suivre une logique secrète et déterminée à l’avance dans son âme et son cœur. Le chemin vers Dieu est ici tout sauf un processus linéaire: «Quelle est cette lumière qui m’éclaire par intermittence et qui frappe mon cœur sans me blesser? […] La Sagesse, c’est la Sagesse elle-même qui m’éclaire par intervalles: elle déchire les nuages de mon âme qui me recouvrent de nouveau, si je faiblis, des ténèbres et du poids de mes misères.»

Malgré ces événements, qui étaient autant de fanaux donnant la direction de sa vie, saint Augustin doutait de tout et ne croyait pas que l’on puisse trouver la voie de la vie. «Je marchais dans une voie ténébreuse et glissante, je vous cherchais en dehors de moi, et je ne trouvais pas le dieu de mon cœur; j’étais tombé dans les profondeurs de la mer. J’étais sans confiance et je désespérais de découvrir la vérité.»

Il continuait de vivre ses passions et de jouir de l’heure présente. Mais comme il le dit lui-même, les liens du désir charnel, les raisonnements théologiques purement intellectuels et les besognes temporelles empêchaient son cœur de céder à Dieu. Pendant neuf ans, il fut le jouet de ses passions diverses. Jusqu’au jour où il comprit qu’il voulait posséder à la fois Dieu et le mensonge.

Les Confessions tirent toute leur force de ce que saint Augustin assume pleinement ses péchés. Il dit qu’il confesse ses hontes pour glorifier Dieu. Il assume le corps humain, corps divin, même dans le péché car il sait que les ténèbres sensuelles possèdent autant de beauté que les vérités divines, sinon plus. Il existe une beauté dans l’attirance physique comme il existe une beauté dans l’attirance spirituelle. Il sait que tout vient de Dieu, les choses, les corps, l’âme, et il nous dit d’aimer les choses de la vie, même dans le péché, mais de les aimer en Dieu car c’est lui qui les a créées. La seule différence est que la beauté physique est périssable. Elle ne nous sauve pas. Seules les vérités divines possèdent une beauté éternelle et salvatrice.

Pour saint Augustin, la science n’est pas l’ennemie de la foi. A son époque, le christianisme était encore vigoureux, pur et innocent. Rien n’était encore séparé; tout était organique, joyeux, allant de soi. La connaissance pour la connaissance n’existait pas encore. Toute connaissance était adoration de Dieu. Adoration, tremblement et terreur. L’homme de Dieu et l’homme de la connaissance, du savoir et de la pensée furent le même homme. Saint Augustin avait soif de savoir avec Dieu et non pas contre Dieu.

La science n’était pas encore le progrès, cette plaie moderne; c’était la connaissance du monde, c’est-à-dire de la Création. Saint Augustin aimait Dieu avant tout, et tout ce qu’il a créé, le ciel et la terre. C’est par la connaissance du monde sensible qu’il comptait aller jusqu’à Dieu, qui n’est pas dans le monde sensible. Tout son savoir, toute sa philosophie, toutes ses interrogations du Temps, du Corps, de la Matière, du Mouvement, de l’Esprit et de la Mémoire découlent d’une seule question qu’il adresse au Seigneur: comment avez-vous créé le ciel et la terre ? Pour avancer dans la résolution de cette question, il dialogue constamment avec le créateur car il sait que l’on ne découvre rien sans son aide et que tous les mystères sont enfermés dans la science.

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