En lisant la dernière Nation
Au sortir de l’adolescence, j’étais très attentif aux notations des sorties en cinéma attribuées par Freddy Buache dans le 24 heures du vendredi. Alors qu’il recommandait le cinéma d’essai, je cherchais le divertissement. Il adorait les productions existentialistes et cérébrales, mais je voulais de l’action stimulante. Il était devenu ma boussole indiquant le sud cinématographique; qu’il attribue quatre étoiles (à voir absolument!) à un film et j’évitais soigneusement les salles où ce dernier était projeté.
Ceci ne m’empêche pas d’apprécier le travail et la persévérance de Freddy Buache pour fonder, animer et assurer l’avenir de la cinémathèque suisse. J’ai lu avec plaisir et émotion l’hommage très personnel et documenté que lui rend Bertil Galland dans la dernière Nation. On y retrouve la modestie élégante de l’ancien journaliste, brossant avec la plus grande bienveillance le portrait d’une personne dont il ne partageait pas les idées, insistant surtout sur le patrimoine que le disparu laisse à la communauté.
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Après plus de vingt-cinq ans de prison, le quintuple assassin Jean-Claude Romand a donc été libéré. Jean-Blaise Rochat se charge de montrer que le personnage, pas certain du tout de son salut, accepte volontairement de prolonger sa réclusion dans l’ordre bénédictin pour poursuivre son chemin vers le Pardon.
Les réticences de l’opinion publique face à cette libération sont problématiques. «Que faire de cet encombrant justiciable qu’on ne peut lâcher dans la nature sans quelques précautions?» écrit l’auteur de l’article. Si M. Romand est libéré, même sous condition, c’est que la justice estime que sa dette envers la collectivité est payée. En s’indignant contre cette libération ou en doutant de l’amende honorable du détenu libéré, l’opinion publique se mue en tribunal populaire pour rajouter la stigmatisation et l’exclusion à la peine purgée. Craindre la récidive ou la catastrophe à l’issue de chaque incarcération revient à désapprouver la légitimité du système judiciaire et ses sanctions.
Pour un ex-détenu, le pardon et la résilience sont les conditions nécessaires pour retrouver une vie civile normale. Il n’est ni une victime, ni un malfrat incurable, mais un individu qu’il s’agit d’intégrer au plus vite dans la société. Ajouter la vindicte populaire à la peine judiciaire n’aideront pas à cette intégration.
Si M. Romand se retire du monde, c’est sans doute aussi par crainte d’affronter les pairs de la société civile qui ne lui ont pas pardonné.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Menaces sur une petite commune – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Carabistouilles – Jean-Blaise Rochat
- Le traité de Burier (1219) – Michel Calame
- Jean-Marie Vodoz, vigilant gardien de notre «trésor commun» – Jean-Philippe Chenaux
- Le Ministère public de la Confédération, le fond du problème – Olivier Klunge
- Au nom de la Loi – Antoine Rochat
- Occident express 35 – David Laufer
- Le Conseil fédéral et le fédéralisme différencié – Xavier Panchaud
- Chronique sportive – Antoine Rochat
- Moins de culture, plus de déconfiture – Le Coin du Ronchon