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Actualités  |  Mardi 6 octobre 2015

M. Viktor Orban est-il méchant?

«Comment faire pour que ces gens se conduisent avec moins de méchanceté?»: la personne estimable qui posait la question visait manifestement le premier ministre hongrois,  M. Viktor Orban, ses policiers, ses militaires et ses frontières barbelées.

M. Orban est-il méchant? Etrange question. C'est vrai qu'on a pris l'habitude de considérer les Etats comme des personnes et qu'on attend des politiques qu'ils dirigent le pays selon les règles ordinaires de la morale individuelle. On parle couramment de pays «généreux»  et de pays «égoïstes». On divise les peuples en deux camps, les bons et les méchants, la Hongrie de M. Orban faisant évidemment partie des seconds. Cela restreint la réflexion politique.

Certains affirment à l'inverse que la politique n'a rien à faire avec la morale. Ce n'est pas exact non plus. En réalité, la politique relève bel et bien d'une morale, mais qui ne recouvre pas exactement la morale individuelle. Elle a pour mesure et finalité le bien de la communauté comme telle, son unité, son ordre, son indépendance. Et la responsabilité de ce bien justifie que l'Etat recoure à des moyens coercitifs interdits aux personnes individuelles.

Ainsi, quand la police appréhende les suspects, que les tribunaux les jugent, que les coupables sont condamnés à l'amende ou à l'emprisonnement, parfois pour des années, personne n'en déduit que l'Etat est méchant. Il fait son travail.

Il en va de même sur le plan militaire. L'Etat m'interdit de faire feu sur mon voisin, si désagréable soit-il. Mais ce même Etat a, lui, le droit et le devoir d'entretenir une armée suffisamment bien équipée pour assurer la défense du territoire contre d'éventuels envahisseurs. Là encore, pas de méchanceté: il est parfaitement normal et moral qu'une communauté politique puisse défendre, arme à la main, son territoire, sa manière de vivre et ses libertés.

C'est dans cette perspective que M. Orban a décidé de s'opposer par la force à un flux migratoire sans fin dont il juge qu'il met en péril l'équilibre politique, économique et culturel de son pays. Le fait qu'il y ait, de l'autre côté des barbelés, beaucoup d'hommes sans armes, de femmes et d'enfants rend la mesure spectaculairement choquante. Mais pour M. Orban, sur qui l'Europe de l'ouest multiplie en vain les pressions, cela ne change pas grand chose aux problèmes qu'une ouverture des frontières poserait à la Hongrie.

Combien de Suisses se félicitent in petto de ce que, pour l'heure, ce courant migratoire ne passe pas par chez nous! Il serait correct de ne pas condamner des responsables politiques moins bien lotis qui, tâtonnant face à un dilemme nouveau et terrible, cherchent obstinément le bien de leur pays plutôt que le confort de leur conscience individuelle.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 6 octobre 2015)